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MARIANNE.

Vraiment oui; mon oncle étoit fi malade! Enfin il eft prefque guéri, & il m'a dit comme ça: Marianne, vlà le huit juin, va-t-en à Salency voir le couronnement, tu reviendras demain... Ma fine, là-deffus je fuis partie, & par bonheur j'ai trouvé une dame (une groffe marchande épiciere de la ville) qui venoit auffi pour la fète, & qui m'a amenée. Oh! c'est une brave femme; a m'a ben fait jafer le long du chemin toujours, & fur Salency, & fur les Rofieres.... a vient loger chez M. le prieur avec fa petite fille, mademoiselle Mimi, qui est réfolue, ah dame, faut voir, quoiqu'a n'ait que fept ans... ala de l'efprit pus qu'a n'est grosse.... Mais dites-moi donc, Hélene, eh bien, vous êtes des prétendantes, n'eft-ce pas ?

HELEN E.

Oui ; j'ai été nommée, il y a huit jours, avec Urfule & Thérefe.....

MARIANN E.

C'est vous qu'aurez le chapeau, je le gage

rois ben.

HELEN E. (*)

Pourquoi? Urfule & Thérefe font de fi bonnes filles !... Oh, je ne ferai pas dépitée, je vous affure, fi l'une ou l'autre obtient la rofe.... Thérefe, fur tout; je l'aime tant! Vous le favez, Marianne, nous avons toujours été enfemble comme deux fœurs.... MARIANNE.

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Thérefe eft une gentille fille, ben douce, ben ferviable ben apprife; mais avec tout ça, vous valais mieux qu'elle; n'y a qu'une voix là- deffus. . . . Et puis vot mere a eu la rofe dans fon tems, & puis Monique vot

(*) On ne fait point parler tout-à-fait en langage payfan les prétendantes à la rofe, parce qu'à Salency toutes les jeunes filles qui peuvent y prétendre, font très-diftinguées par les dames de la famille de leur feigneur, qu'elles vont fans ceffe au château, & que cette communication leur ôte abfolument toute efpece de groffiéreté villageoife. On peut connoître à Salency, feulement par le langage & les manieres, celles qui ont eu le chapeau de rofes, ou celles à qui la voix publique le deftine. Et d'ailleurs en général, tous les habitans de Salency font auffi diftingués des autres payfans par leurs manieres & leur langage, que par leurs mœurs & leurs vertus.

grand-mere, a été Rofiere auffi; tout ça compte, dame c'eft jufte... c'eft vrai qu'on ne trouvera pas, dans Salency, une pus brave famille que la vôtre.... Défunt vot pere étoit le plus digne homme!... A propos, Bafile, vot frere, eft ben joyeux, je parie ... Vlà Thérefe prétendante quand a n'auroit pas la rofe, c'est toujours un grand honneur d'avoir été nommée parmi les trois; ça li affure quafiment la rofe d'ici à deux ans. Bafile aime Thérefe, & vot mere n'entend pas raifon là-deffus; a m'a dit pus de cent fois: n'gnia qu'une Rofiere qu'aura mon garçon ; a n'en démordra pas déjà... Al vous a une tête, ma voifine Genevieve... oh, c'est une maîtreffe femme!... Mais, dites donc, Hélene, al eft fortie, vot mere?... HELEN E.

Oui, elle est allée chez M. le prieur.

MARIANNE.

Eh vraiment oui; M. le prieur & M. le bailli (*), vlà les juges des Rofieres, faut ben

(*) Le prieur fur-tout connoiffant mieux les jeunes filles qu'aucun autre, par le compte qu'il en rend, contribue plus que perfonne au couronnement. Le feigneur nomme la Rofiere, mais c'eft d'après les dépofitions qui font portées chez le prieur & le bailli,

leux conter fes raifons. . . . Mon dieu, c'eft comme fi j'entendois Genevieve, al en dégoife tout des pus belles fur vot compte, je vous en réponds. . . . Hélene par- ci, Hélene par-là... ah, je la vois d'ici!... A n'oubliera pas de défiler tout du long la kirielle de Monique, vot grand'- mere, que vous avez tant oignée, gardée, veillée. . . .

HELEN E.

Non, non, ma mere ne parlera pas de ça; eft-ce qu'il y a de quoi fe vanter donc?... Eft-ce qu'on peut faire autrement? Quand on a une grand' - mere, faut ben l'aimer & la foigner peut-être. . ..

MARIANNE.

Apparemment, ça va fans dire: mais pourtant, n'gnia pas de fille à Salency pus révérencieuse à fa grand'-mere, que vous l'êtes au vis-à-vis de Monique. . . car on ne vous voit prefque jamais les fètes & dimanches venir danfer fur la grande place, & ça pour rester à la maison avec Monique ; & fi vous aimez la danfe très bien, & vous n'avez que dixfept ans.... Oh, dame, Oh, dame, à vot âge c'est ben

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édifiant... ça fait plaifir à un chacun... ça

mérite la rofe... Auffi moi, dès tout-à-l'heure, je m'en vas auffi chez M. le prieur faire comme les autres mes dépofitions, & je li conterai tout ce que j'ai fu le cœur. & toutes les jolivetés que je fais de vous.

HELEN E.

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Ma voifine, je vous en prie, parlez-lui de Thérefe.

MARIANNE.

Mais, Dieu me pardonne, on croiroit qu'ous feriais faut-y dire fachée d'avoir la rose!

HELEN E.

Ah fûrement, Marianne, je le defire plus que perfonne; quand je penfe que je l'aurai peut-être aujourd'hui, le cœur me bat d'une force. . . . Tenez, depuis huit jours, je n'en ferme pas l'œil. . . . Je me dis comme ça : mon dieu, fi l'on me couronne, quelle joie ici dans la maison! . . . Quel contentement pour ma mere!... Et ma pauvre grand'-mere, qu'est-ce qu'elle dira?... ça la rajeuniroit de vingt ans ! . . . Ah, Seigneur, que je ferois donc heureuse!... Et mon frere, & ma marraine, & mon coufin Félix! . . . comme y feroient tous joyeux!. . . & Thérefe auffi,

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