PICAR D. Quoi donc, avec ce gros vifage fleuri, veuxtu l'aller confulter? ANDRÉ. Nenni, je n'en ons pas befoin, & j'en fommes quafiment faché, puifqu'il baille, dit - on, les ordonnances gratis. PICAR D. Pardi oui, c'eft défagréable de ne pas avoir quelques bonnes maladies, pour profiter de cela! .... ANDRÉ. Dame, fûrement ; je n'avons qu'à être pris après fon départ, ça feroit guignonnant pour Mais enfin, qu'as-tu donc à lui dire? ANDRÉ. Je voulons le remarcier..... PICAR D. Et de quoi?.... ANDRÉ. De la guérifon d'Eustache. .. .. Oh, queu miracle il a fait là!..... Euftache qu'a été fi moribond, eh ben, le vlà fur fes deux pieds. comme fi de rien n'étoit.... Y vient d'arri ver avec Collette pour voir la fète. . . . PICAR D. Mais Eustache ne t'eft rien?... ANDRÉ.. Hélas, non!.... Pas moins, c'est le pere à Collette.... PICAR D. Ah, ah, j'entends!... Collette t'a touché le cœur ? ANDRÉ. Pour l'amour de Dieu, monfieur Picard, n'ébruitez pas ça.... Eustache est un richard; moi, je n'avons rien, voyez-vous; faudra peutêtre que je renoncions à Collette. . . . PICAR D. Parle-moi confidemment; t'aime-t-elle ? ANDRÉ. Vous ne jaferez pas?... PICAR D. Non, je te le promets. Je ne veux que te rendre fervice auprès de mon maître, ainfi ne crains rien. ANDRÉ. Eh bien, je vous dirons tout... Vlà comme ça vint. Je fommes voisins d'Eustache ; & voyant Collette fi gentille, j'avions toujours queuque raifon pour aller chez eux; tantôt pour une chose, tantôt pour une autre. . . Voifin, je venons prendre une pelletée de braife... Voifin, je venons allumer not lampe... Ça durit tout l'hyver... & puis l'été, vinrent les danfes fous le grand orme.... Je danfions toujours avec Collette, je n'ofions li parler, mais je la regardions de tous mes yeux, & je m'avifai qu'a rougiffoit drès que je la fifquais tant feulement deux minutes.... Je me dis à part moi que c'étoit bon figne, & vlà que ça me déniaifa. . . . Ma fine, je rifquâmes le paquet, & je li gliffai queuques petits mots d'amourette..... A fit l'étonnée..... Allons donc, monfieur Apdré, vous voulais rire..... Non, pardine, mamzelle Collette!... Là-deffus a devint pensive, & pis a me dit: ne m'en parlez pus, mais parlez à mon pere; & a me quitta. Depuis ce tems alle est toute férieuse, alle me fuit; pourtant n'gnia que fes pieds qui m'évitons, car a me cherche avec les yeux.... & je nous parlons fans mot dire... Je vois ben qu'a penfe à moi;, & de la trouver fi prudente & fi fage, n'a fait 1 que redoubler mon amiquié... Vlà, monfieur Picard, où j'en fommes... PICAR D Et tu n'ofes t'adreffer au bon-homme Euf 1 tache?... ANDRÉ. Non..... car s'y me refufe, ça me tuera. . PICAR D. ... Sois tranquille: j'intérefferai mon jeune maître en ta faveur... ANDRÉ. Ah, queu bonne penfée !... Not jeune feigneur eft fi humain !... Et puis je crois qu'y veut du bien à Collette... ... PICAR D. Paix; n'entends-je pas l'horloge?.... ANDRÉ. Vraiment oui.... PICAR D. Allons fur la place; as-tu ton arc? voudrions gagner le prix! car fûrement Col lette feroit ben aife de me voir le pus habile. PICAR D. Et vive l'amour, dit-on, pour donner de l'adresse !... Viens, mon garçon. ( Ils fortent. ) Celle d'André fur-tout eft bien vive. ... OPHÉM O N. Cela eft tout fimple, il a remporté le prix, il eft le héros de la fête!... RENAU D. Que vous devez jouir de tout cela!... Quel bonheur peut fe comparer à celui d'un homme riche & bienfaifant, qui vit dans fa terre ?... OPHÉM O N. Ces délicieuses jouiffances d'une ame fenfible, vous pourrez les goûter dans votre état, mon cher Renaud; confervez cette précieufe |