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accueillera, méritera d'être recherchée par vous, quel que foit fon rang. N'oubliez jamais que vous êtes le fils d'un marchand, que vous ne devez votre fortune qu'à un concours inoui de circonftances heureuses: foyez modeste, ayez une maison agréable & un bon fouper; mais. n'affichez ni le faste ni la magnificence. Si votre opulence paroît vous enivrer, elle vous rendra ridicule & méprifable. A l'égard de votre conduite avec les gens de qualité, j'ai fur-tout une chofe à vous prefcrire, c'est de les traiter toujours avec la plus exacte politeffe voilà le feul moyen de mériter leurs égards; trop d'aifance & de liberté, loin de vous élever jufqu'à eux, vous feroit bientôt fentir la distance que vous auriez cru rapprocher, en vous attirant de leur part une forte de familiarité groffiere, à laquelle vous ne pourriez répondre, fans vous oublier tout-àfait, & fans les offenfer.

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VERCE I L.

Je fens, mon pere, combien la modération & la fimplicité font des qualités néceffaires, fur-tout dans ma fituation. Vous daignerez toujours être mon guide; & je me flatte

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qu'avec de telles inftructions, je ne pourrai jamais m'égarer. Mais je fuis bien jeune, je n'ai que dix-huit ans ; la premiere vertu de mon âge, vous me l'avez dit fouvent, c'est ja méfiance de foi-même, celle - là feule peut nous conferver toutes les autres. ... Pourquoi m'expofer fi-tôt aux dangers du monde?..... avant que ma raison foit entiérement perfectionnée ? ....

OPHÉM O N.

Ces modeftes craintes font honneur à votre caractere; mais font-ce là, mon fils, les feuls motifs du regret que vous éprouvez de quitter Pourquoi rougiffez

la Champagne ? vous?....

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VER CE I L.

Je me plais ici, mon pere, je l'avoue...

OPHÉM O N.

On prétend (& j'ai peine à le croire) que Collette fur-tout vous y attache..... J'ai trop bonne opinion de vos mœurs & de votre probité, pour pouvoir me perfuader facilement que vous ayez l'infame projet de féduire une jeune fille modefte & vertueufe, & de déshonorer une honnête famille; vous le fils du

feigneur de ces refpectables gens; vous, fait pour être leur protecteur, & pour donner l'exemple ici!...

VERCE I L.

Hélas, je n'ai point de projet !... Je ref

pecte fon innocence

mais je n'ai pu

résister, j'en conviens, aux charmes féduifans

de fa figure....

OPHÉM O N.

Comment la raifon n'a-t-elle pas triomphé d'une fantaisie coupable, qui ne peut que vous avilir?....

VERCE I L.

M'avilir! ... ... Et pourquoi? ..... Les vertus & la beauté ne juftifient-elles pas l'amour? ....

OPHÉM O N.

Quoi donc ? formeriez-vous le deffein d'époufer Collette?

VERCE I L.

Je vous le répete, mon pere, je n'ai point de projet.... Mais enfin, nulle distance réelle ne fe trouve entre Collette & moi. Un bourgeois pourroit-il fe déshonorer en époufant la fille d'un honnête laboureur?... Elle eft belle,

elle eft fage; fi je l'aime, fi j'en fuis aimé, quelle caufe aux yeux de la raison la rendroit indigne de moi?

OPHÉM O N.

Son défaut d'éducation... Et voilà l'inégalité la plus remarquable & la plus réelle qui puiffe exifter entre les hommes. Nous devons refpecter les diftinctions établies dans la fociété; c'est l'orgueil plutôt que la philofophie qui les dédaigne; le vrai fage les reconnoît toutes; i eft ami de. l'ordre, obfervateur exact des bienséances, & jamais il ne paroîtra mépriser les droits de la naiffance & du rang. Je fais bien que la nobleffe n'eft qu'un avantage d'opinion: auffi n'exige-t-elle de moi qu'un hommage extérieur, une vaine formule auffi frivole qu'elle; mais la fupériorité véritable qui fubjugue l'ef time, imprime le refpect, eft celle que peuvent donner l'efprit, l'inftruction & les talens, une bonne éducation enfin, qui rapproche les diftances les plus éloignées, par l'attrait de la converfation, lien le plus doux & le plus utile qui puiffe réunir les hommes. Cet avantage, que vous poffédez, mon fils, & qui n'est ni de mode ni de convention, vous affure celui d'être

admis par-tout, &, préjugés à part, vous rend l'égal de tout être penfant & raisonnable. Vous voyez donc quelle difproportion réelle exifte entre vous & Collette.... Dites-moi, choifiriez-vous pour votre confident & votre ami un homme de la plus profonde ignorance, dénué d'instruction, de lumieres, & groffier par fon langage comme par fes manieres? Non, fans doute. Et penfez-vous que le choix d'une femme foit moins important? elle, deftinée à ne jamais vous quitter; elle, dont les vices ou les vertus cauferont votre déshonneur ou feront votre gloire; elle enfin, qui doit élever vos enfans... Malheur à celui qui, pour former cette chaîne éternelle & refpectable, ne confidere que les charmes paffagers de la figure! Le repentir le plus amer & le jufte mépris du monde le puniront bientôt d'une fi coupable folie!..... Mais on vient nous interrompre ; nous reprendrons cet entretien.

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