MARTH E. Madame' de Clémont, qui demeure dans la rue de Richelieu ?. . . Madame DU PRÉ. Justement. JOSEPH IN E. J'ai été deux fois chez elle; c'est une dame d'un certain age, mais bien aimable. Madame DU PRÉ. Ah, pour cela oui! J'ai eu l'honneur de la fervir pendant quinze ans, je fais ce qui en est... Je lui dois ma fortune; c'eft elle qui n'a mariée, établie & mife à la mode. Auffi il n'y a rien au monde que je ne fiffe pour elle. ANNETT E. C'est bien naturel. JOSEPH IN E. C'est la mere de madame la marquife de Lincé. Madame DU PRÉ. Oui. JOSEPHINE. Oh, quelle eft jolie, madame la marquife de Lincé! Non, parce qu'il y a trois mois qu'elle eft dans fes terres. JUSTINE, revenant à madame Dupré. Madame, voilà votre mantelet & vos gants. Quel carton voulez-vous emporter? Madame DU PRÉ, fe levant. Je n'en veux point. Madame de Clémont n'achete plus de chiffons; elle eft revenue de cela. JOSEPHIN E. Pourtant madame la baronne d'Elfac eft bien auffi âgée qu'elle, & elle les aime. . . . . Madame DU PRÉ. Oui, c'eft que l'une eft raifonnable, & l'autre folle.... Ah ça, adieu, car il eft tard. Adieu, mes enfans, travaillez bien. Juftine, ma mere eft-elle là-haut?... JUSTINE. Qui, madame. Madame DU PRÉ. Madelon eft avec elle? JUSTINE. Oui, madame. Madame DU PRÉ. Allons, c'est bon; je m'en vas. Je reviendrai dans une heure. ( Elle fort.) SCENE I I. USTINE fe met à la place de madame Dupré, ANNETTE, MARTHE, JOSEPHINE, ISABELLE. ANNETT E. COMME elle a foin de fa mere! JUSTIN E. Elle lui donneroit fon fang. ISABELLE. ་ C'est une bonne femme auffi que madame Moreau. ANNETT E, à Ifabelle. Il n'y a que trois femaines que vous êtes ici; mais quand vous la connoîtrez mieux, vous l'aimerez cent fois plus. Elle est auffi hon něte, nête, auffi charitable, auffi picufe que fa fille: Mademoiselle Annette, dites-moi donc pourquoi elle porte prefque toujours des juftes, & jamais de robes garnies. ANNETT E. C'eft qu'elle étoit payfanne avant que madame Dupré eût fait fortune. ISABELLE. Ah, c'eft donc ça qu'elle parle un peu pa tois?.... ANNETT E. Vraiment oui.... JUSTIN E. Madame Dupré, quand elle fe vit en état, la tira de fon village, & la fit venir ici.... ISABELL E, en foupirant. C'est bien heureux de pouvoir faire le bonheur de fa mere!... JUSTIN E. Oui, feulement d'en avoir l'efpérance donne du cœur pour travailler. (Un long filence.) JOSEPH IN E. C'est demain fête, j'en fuis bien aife. MARTH E. Oui, après l'office nous irons promener. JOSEPHINE. Oh, j'aurai encore un plaifir bien plus grand! Quoi donc ? C'eft MARTH E. JOSEPH IN E. que madame Dupré m'a prêté un livre qui eft joli, joli!... Elle me l'a fait lire deux fois; il m'a bien fait pleurer toujours. MARTH E. Je l'ai lu auffi. . . . JUSTIN E. C'est madame de Clémont qui l'avoit donné autrefois à madame Dupré, quand elle étoit jeune. MARTH E. Cela s'appelle un roman. |