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Il nous femble qu'on ne pouvoit suivre la nature avec plus de fineffe dans cette étonnante révolution de fes mouvemens; Zelmire n'est donc plus une fille ordinaire; c'est, pour ainfi dire, une fille mère de fon père, & voilà qui explique l'espèce de préférence qu'elle donne dans la quatrième Scène du fecond Acte à fon père fur fon fils même; elle doit la lui donner, ou fon caractère se démentiroit, & la Scène de l'allaitement feroit fans influence mais tout cela eft ménagé avec art, tous les devoirs de Zelmire font remplis: elle eft à la fois épouse & mère, lors même qu'elle eft obligée de facrifier quelques-uns de fes fentimens aux autres.

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Nature, tu m'as fait le plus tendre des cœurs,
Pour raffembler fur lui tout l'excès des malheurs.
Entre mon fils & vous, choix terrible & barbare....
Le fentiment fe taît & la raifon s'égare.

J'idolâtre mon fils, j'adore mon époux....
Mais ne doivent-ils pas donner leur fang pour vous!
Ma vie eft votre bien, je vous la facrific....
Ils vous font comme moi comptables de leur vie....
L'un naquit votre fils, l'autre l'eft par fon choix...
Ah! les mêmes devoirs nous enchaînent tous trois.

Polidore ne fe rend point, & dit ce qu'un

père doit dire à fa place. Zelmire lui répond:

Mon père, la douleur nous aveugle tous deux :
Eh! pouvons-nous fauver cet enfant malheureux,
Si la fombre fureur du tyran qui m'opprime,
Cherche, en le couronnant, à parer sa victime?
Quand vous voudrez périr, mon fils mourra-t-il

moins?...

Cette folution eft en effet décisive; Zelmire peut fauver fon père, elle ne peut fauver fon fils, dont Anténor s'eft fait confier le foin. Le choix eft donc fait; mais ce n'eft pas affez, il faut encore qu'il refte à Zelmire l'efpérance de fauver fon fils. Tout à coup fon amour l'éclaire.

Je démêle Anténor dans fes perfides foins.
Il tremble que le tems ne dévoile sa rage;
De mon fils contre Ilus il fe fait un ôtage...
O mon fils, tu vivras, même par fon fecours!
Son intérêt cruel veillera fur tes jours.

Quant au fujet d'Hypfipile, l'Auteur montre très-bien dans fa Préface, le danger qu'il y auroit à le traiter fur notre théâtre avec toutes les circonftances que la Fable fournit, & que M. Métaftase, ou n'a ofé changer, ou a ofé impunément ne pas changer. Nous n'ajouterons rien à ce que M. de Belloy dit à cet égard, nous remarquerons seulement

qu'il n'a imité que trois ou quatre Scènes de l'Hypfipile de M. Métastase. Il regrette luimême de n'avoir trouvé dans ces Scènes qu'une vingtaine de vers qui convinffent au plan particulier de fa Fable. Nous obferverons encore, que, dans les Scènes qu'il a imitées, il y a des changemens confidérables, & toujours une tournure qui lui eft propre dans la Scène où Zelmire s'accufe elle-même, en présence d'Ilus, d'avoir livré son père, elle ne s'en accufe que par une équivoque auffi touchante qu'adroite, & c'est une délicatesse de notre théâtre de ne mettre jamais un menfonge formel dans la bouche d'un perfonnage vertueux : chez M. Métaftafe au contraire, Hypfipile s'accufe formellement. Le moment où Ilus & Jafon reconnoiffent, l'innocence, l'un de fa femme, l'autre de fa maitreffe, eft encore bien différent dans les deux Auteurs. Ilus à l'afpect de Polidore, s'écrie avec tranfport, Zelmire eft innocente. Il n'a befoin d'aucune explication: fon coeur feul lui dit tout. Hypfipile au contraire, dans un entretien particulier avec Jafon, a beau jurer qu'elle eft innocente, & vouloir fe tuer de défefpoir, Jafon, refufe de l'entendre; & lorfqu'enfuite Jafon rencontre Thoas, père d'Hypfipile, ce n'eft point lui qui voit l'in

nocence d'Hypfipile, c'eft Thoas qui la lui fait voir: Jason ne devine point fon bon heur, il n'en jouit point comme Ilus avant l'explication.

Les caractères de M. de Belloy font habi lement deffinés & fortement exprimés. Son Anténor, qui eft à lui tout entier, est admi rable, puifqu'enfin

Il n'eft point de ferpent ni de monftre odieux
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux.

Zelmire, indépendamment de ses vertus & de fes malheurs, plaît par un caractère aimable & attachant, Ilus par fa vivacité & par une audace brillante, Polidore par fon huma nité, fa conftance & fon courage; tous les perfonnages ont un caractère marqué jufqu'à Rhamnès, jufqu'à Ema, jufqu'au Soldat Thrace.

La morale de la pièce eft pure & religieuse; elle est heureusement exprimée dans l'épigraphe de Claudien :

Abftulit hunc tandem Rufini pœna tumultum.
Abfolvitque Deos.

La verfification eft fouvent forte fans roideur, élevée fans enflure, douce fans foibleffe; elle annonce un difciple nourri des exemples

des grands Maîtres. C'est cè qu'on a pu remarquer dans la plupart des morceaux que

nous avons cités.

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La Préface de Zelmire eft fage, judicieuse, modefte, bien écrite, c'est l'ouvrage d'un homme de goût, & qui connoît le théâtre.

P. S. M. de Belloy devoit un tribut d'admi ration & de reconnoiffance à l'Actrice inimitable, qui a encore embelli le rôle de Zelmire, fi beau par lui-même. Il a chanté dans de très-bons vers ces talens, cette intelligence fublime, ces yeux pleins d'une expreffion fi vive & fi vraie, ces yeux

Où femblent refpirer toutes les grandes ames; ce gefte, ce regard, qui font l'éclair du génie, ce filence quelquefois plus éloquent que les vers même de Corneille.

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