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JUGEMENT

DU

JOURNAL DES SAVANS,

SUR l'Edition de 1770 de la Tragédie de ZELMIRE.

Décembre, premier Volume 1770.

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Les changemens que l'Auteur a jugé à propos de faires à cette pièce, fi célèbre par l'éclat foutenu de fon fuccès, ont embelli & fortifié quelques-uns de fes perfonnages. Polidore est devenu encore plus intéressant & plus noble, Euriale plus actif & plus zélé, Rhamnes plus fin & plus pénétrant: tout le quatrième Acte fait plus d'effet; il y a aussi dans d'autres endroits quelques détails, ou ajoutés, ou heureusement changés.

La Préface contient des observations nouvelles fur les Tragédies de fituations, & en particulier fur Zelmire. En défendant cette pièce contre des critiques injuftes qui en ont été faites, l'Auteur prouve très-bien que ce n'est point la multitude des évènemens' & des coups de théâtre qui fait complication dans

une

une pièce, & que la complication confifte, dans l'affemblage de plufieurs intérêts qui fe croifent & fe nuifent réciproquement. La manière dont il juftifie à cet égard Olympie, par l'exemple des Argiennes d'Euripide, & Sémiramis par Athalie, est vive & frappante. Toute cette Préface annonce une grande & belle théorie de l'art dramatique. M. de Belloy prouve également par fes préceptes & par fes exemples, que les fecrets de cet art lui font parfaitement connus.

Zelmire, traduite en Italien, a été répréfentée trente fois de fuite à Venise en 1764, & reprise Pannée fuivante avec le même fuc cès; il y en a auffi une traduction Hollandoife, imprimée en 1776 à Amsterdam.

TOME I.

A a

JUGEMENT

DU

JOURNAL DES SAVANS, SUR la Tragédie de TITUS. L'AUTEUR de Zelmire eft auffi l'Auteur de Titus, & il n'en rougit point, quoique le fucces n'ait pas couronné cet ouvrage. Nous ne l'annonçâmes point dans le tems, nous refpectâmes les froideurs juftes ou injustes du public; nous ne nous propofons pas même d'attaquer aujourd'hui l'espèce de jugement qu'il parut prononcer alors, & qu'il femble avoir retracté en grande partie à la lecture; nous obferverons feulement à l'occafion de cette pièce, combien il étoit néceffaire de débarrasser le théâtre de cette foule de Spectateurs, qui, confondus avec les Acteurs, rendoient le fpectacle équivoque, & empêchoient, s'il eft permis de fe fervir de ce terme, les évolutions théâtrales. Titus s'eft reffenti de cet inconvénient qui fubfiftoit encore. L'Empereur reparoiffoit dans le Sénat, après une longue abfence & une maladie dangereuse; le Conful Annius le haran

guoit fur fa convalefcence, au nom du Sénat, du peuple, de tout l'Empire; mais le peu d'efpace qui reftoit au théâtre, empêchant qu'on ne vit l'affemblée du Sénat, on prit le difcours d'Annius pour le compliment particulier d'un ami, dont Titus auroit dû interrompre les louanges dès les premiers vers. On regarda donc comme déplacée cette éloquente harangue, malgré la beauté des vers & l'intérêt touchant de l'allégorie, dont nos Lecteurs pourront juger.

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Seigneur, retracez-vous nos mortelles allarmes,
Le deuil univerfel de la patrie en pleurs,
Tous ces yeux qu'égaroit le délire des cœurs:
On eût dit à fon trouble, à fa terreur profonde,
Que votre dernière heure étoit celle du monde.
L'épouse prête à voir expirer son époux
L'oublioit dans fes bras & ne pleuroit que vous:
Les vieillards reprochoient à la rigueur célefte
D'avoir conduit leurs ans jufqu'à ce jour funefte,
Et leurs fils, dès l'enfance inftruits à vous chérir,
Regrettoient d'être nés pour ne vous point fervir.
Ce lamentable effroi n'a jamais eu d'exemples;
Rome, déferte ailleurs, étoit toute en ses Temples:
Leurs voûtes répétant nos fanglots douloureux,
Sembloient ne renfermer en ces momens affreux
Qu'une famille en pleurs & qui se désespère,
Prête à fuivre au tombeau les cendres de fon père.

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La réponse n'étoit pas moins touchante, & peignoit bien Titus.

Peuple né pour la gloire & pour le fentiment, Je ferais bien ingrat de t'aimer foiblement ! Hélas! depuis deux mois ma tendreffe captive, Dans un lit de douleurs, a gémi d'être oifive:

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Vous ne perdiez qu'un cœur, je perdois tous les vôtres.

Mon péril m'a prouvé que je regnois sur eux;
Pour un Prince expirant l'amour n'eft plus douteux.
Que je bénis tes coups, Ciel ! qui daiguas m'ap-
prendre

Les droits que fur fon Maître a ce peuple fi tendre;
Tu voulus, déployant fes transports généreux,
Me le rendre plus cher, pour qu'il fût plus heureux.

J'accepte les trésors que mon peuple me donne;
Par le plus digne emploi, je les veux honorer;
Vos cœurs dans mon projet vont tous se rencontrer;
Vous pleurez comme moi les maux de la patrie;
Le Véfuve embrafé défole l'Italie;

Les noirs torrens de feu qu'il vomit de fon fein,
Fléaux du Ciel vengeur, que fuit déjà la faim,
Ont couvert nos moiffons de leurs cendres brûlantes;
Que d'indigens vers moi levent leurs mains trem-
blantes!

Verfons-y ces trésors que le Ciel fit pour eux; Préfens de l'abondance, ils font aux malheureux.

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