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TULLIE.

Mais quel crime, Titus, ce Prince magnanime..........?

VITELL I E.

Tule vois fur mon Trône, & tu cherches fon crime!
Il eft forti d'un fang qui fit verfer le mien,

Et tu peux t'étonner quand je profcris le fien!
D'un affront non vengé la tache est éternelle,
D'un coupable impuni la race eft criminelle:
Ainfi tous les grands cœurs ont pensé dans ces lieux,
Ainfi le peuple même y fait penser ses Dieux.
Le fort qui m'a ravi l'heureux auteur du crime,
En me laiffant fon fils, a nommé ma victime.
Hélas! pour triompher d'un fi jufte devoir,
Ce dangereux Titus n'avoit qu'à le vouloir,
Son cœur fembloit répondre à mon ardeur extrême,
Qu'on le croit aifément aimé de ce qu'on aime!
Sa prodigue bonté, pour adoucir mes maux,
Inventoit tous les jours quelques bienfaits nouveaux;
Il effuyoit mes pleurs, il me juroit fans ceffe
La plus vive amitié, la plus pure tendreffe;
Sa Cour étoit la mienne, & j'y donnois des loix;
Souvent à ma prière il fit grace à des Rois:
J'aurois eu moins d'honneurs dans ma propre famille;
Il excita fon père à m'appeller fa fille.

O nom que j'ai chéri !........ que je dus abhorrer,
De quel espoir trompeur venois-tu m'enivrer ?
De mon ambition l'orgueil héréditaire
Déjà me transportoit au Trône de mon père :
Titus, disais-je alors, n'a point versé son sang,
Et mon père eft vengé fi je monte à fon rang.

D'un fi bel avenir la douce perspective
Eloigna de mes yeux la Nature plaintive:
Mes efprits enchantés, tous mes fens confondus
Ne cherchoient, ne voyoient que le fceptre & Titus!
Peut-on fe refuser à ce bonheur fuprême

De partager un Trône avec l'objet qu'on aime?
Mais l'ingrat, qui l'eût dit? Le cœur plein d'autres

feux,

Aveugle pour les miens, fe déguifoit mes vœux:
Et quel affront encore aux yeux d'une Romaine!
L'ingrat me préféroit, qui, grands Dieux? Une Reine,
Et n'épanchoit fur moi que ces foins généreux
Qu'il prodiguoit fans ceffe aux moindres malheureux.

TULLIE.

Hélas! par cet amour fi Titus fut coupable,
Il en expie affez l'erreur trop pardonnable:
De fes plus chers defirs déplorable vainqueur
A nos bizarres loix il immole fon cœur.

Mais de fon amitié, pour vous toujours fi tendre,
Voyez ce que ces Loix vous donnent droit d'attendre.
Même avant fon départ, l'Etat avec ardeur
Paroiffoit defirer l'hymen de l'Empereur,
On redoute de loin d'obéir à son frère,
On veut affûrer mieux l'exil de l'étrangère;
Et peut-être Titus pour fon heureux retour
Réserve à fes fujets cette marque d'amour.
S'il se réfout, Madame, à nommer une Auguste;
Qui peut vous disputer un espoir aussi juste ?
Tous les vœux des Romains lui défignent ce choix,
Il ne vous donnera que la dernière voix.

Enfin s'il vous nommoit....

VITELLI E.

S'il me nommoit, Tullie,

S'il apportoit fon cœur aux pieds de Vitellie....
Mais non: je vais le voir dans fon nouvel éclat
Plus aimable toujours & toujours plus ingrat.
Ses mépris vont encore avertir ma colère
Qu'il eft fils du tyran qui m'a ravi mon père.
Ah! puniffons Titus d'avoir pu m'enflâmer,
Et puniffons mon cœur d'avoir ofé l'aimer.
Son exemple m'excite à cet effort fuprême,
Titus m'a trop appris à me vaincre moi-même.
Tant qu'il refpirera, mon devoir combattu
Ne répondra jamais de ma foible vertu :
Que fur la tombe enfin mon triomphe s'afsure,
Que fon fang répandu guériffe ma bleffure.

En vain Rome aujourd'hui l'éleve jufqu'aux Cieux,
Ce Dieu de l'univers eft un monftre à mes yeux :
Celui qui m'inspira cet amour détestable,
Eft criminel pour moi....pufqu'il me rend coupable.
Enfin, loin de prétendre à recevoir sa main,
La mienne eft à Sextus, s'il lui perce le fein.

TULLI E.

Sextus! Madame, ô Ciel! l'ami de Titus même !
Comblé de fes bienfaits....

VITELLI E.

Il les oublie, il m'aime.

Oui, connais malgré lui ce terrible secret,

Qu'à ta fidélité je taifais à regret.

Hélas! en ce grand jour tu m'es trop néceffaire:

Et puis-je redouter qui m'a fervi de mère ?

Des l'inftant que Sextus m'avoua fon ardeur,
Je crus qu'en lui le Ciel m'adreffoit un vengeur.
Je voulus qu'enfermé dans le fond de fon ame,
Mes yeux connûffent feuls le fecret de sa flâme;
Qu'il le cachât fur-tout au Stoïque Annius,
Son ami jufqu'alors & celui de Titus.

Tu fais que l'Empereur avoit, en fon abfence,
A ces deux favoris confié fa puiffance;

Sextus commande à Rome, & peut feul aujourd'hui Cacher tous nos apprêts, trop dangereux fans lui.

Qu'il m'a fallu de foins pour le pouvoir conduire A ce fatal ferment, dont encore il foupire! Par combien de remords fon cœur fut combattu! Les regards de Titus rappelloient fa vertu. Après fix mois entiers d'une rage incertaine, D'un paffage éternel de l'amour à la haine, Je l'ai vu de fes feux tout prêt à triompher; L'amitié dans fes bras les alloit étouffer. Céfar les ralluma par fon heureuse absence; Et Lentulus encor fait plus par fa présence; Ce fougueux Lentulus à qui le sang m'unit, Que de Rome autrefois Vefpafien bannit, Rappellé par Titus, mais brûlant de vengeance, Ame dure aux bienfaits & fenfible à l'offense, Il me dut fon retour & vint s'offrir à moi Pour fonder nos amis, pour réveiller leur foi: Et bientôt en effet j'eus, par fon ministère, Raffemblé les débris du parti de mon père.

A fon zèle bouillant, non moins qu'intéressé, Sextus croit reconnoître un rival empreffé

Il tremble qu'une main jaloufe de la fienne,
En prévenant fes coups, ne mérite la mienne.
Jadis en moi l'amour eût tout fait pour Titus;
Il fera tout pour moi dans l'ame de Sextus.

Il vient.

(Elle fait figne à Tullie de fe retirer au fond de la Scène.)

SCÈNE I I.

SEXTUS, VITELLIE, TULLIE.

PRÊT

SEX TU s.

RÊT d'accomplir ce ferment redoutable, Arraché par l'amour à ma bouche coupable, Pardonnez fi Sextus revient vous confulter

Sur un coup, que fa main tremble d'exécuter.
Vous avez à mon bras commis votre vengeance,
Moi-même j'en briguai l'horrible préférence;
Vous promettez un bien....qui ne peut trop coûter,
Et qui par des vertus fe devroit acheter.

Ah! faut-il qu'aujourd'hui vendue au plus perfide,
Une fi belle main fe livre au parricide?

N'importe. En murmurant d'un joug qu'il faut fubir,
Par plus d'horreurs encor j'irois vous conquérir.
Mais fi je vous trahis en cherchant à vous plaire!
De Titus autrefois l'amitié vous fut chère....
Quoi? Son cœur s'arrêtant fur un penchant fi doux,
Put à ce fentiment fe borner avec vous?

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