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la pratique a quelques douceurs, elles font mêlées de bien des amer. tumes: cependant fi le moment que l'on ne cherche point arrivoit, contez fur moi comme je conte fur vous. J'efpere, répondit Mademoiselle d'Aleyrac, que je ne fatiguerai point votre esprit par mes confidences, la lecture jusques ici me tient lieu de tout, je ne me fens pas de difpofition à voir changer mon goût, & j'en ai encore moins d'envie.

Les Dames furent fi tard au lit, qu'elles ne virent perfonne ce jour-là, le lendemain les trois Allemands ne manquerent pas de venir; comme la Compagnie étoit nombreuse, on fit une partie de Baffette, afin que perfonne ne demeurât inutile; le Comte de Caprara trouva moyen de se placer auprès de Mademoiselle de la Charce, malgré tous les mouvemens que fe donna la Nor.

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mande, pour que tous les Mef fieurs ne fuflent occupés que d'elle. Mademoiseile d'Aleyrac vou. lant fe divertir par une petite ma. lice fe mit à l'autre côté du Comte : ainsi Madame de Clairville fut obligée de s'en tenir au Comte de Velfbergt qui auroit fuffi à plufieurs autres moins vives que celle ci. Le Comte de Caprara n'eut pas beaucoup d'occafion de parler à Mademoiselle de la Chardevant tant de témoins: mais peu qu'il lui dit fut reçû d'une maniere fi gracieuse, & elle y répondit d'un air fi tendre qu'il eut lieu d'être fatisfait ; cependant defirant de s'assurer davantage de fon bonheur, lorsqu'il fut feul, il fe détermina de lui écrire & de lui rendre lui-même fon billet, n'ofant s'en fier à perfonne, de crainte de lui déplaire: la premiere fois qu'il fe trouva à portée de lui donner, il lui dit :

ce,

le

Voilà un papier qui ne regarde que vous, ainfi n'en faites part à perfonne. Elle balança un inftant à le prendre, pendant lequel il lui ajoûta: Vous n'y verrez rien de nouveau, ainfi ne le refusez pas; fi je fçai ce qu'il contient, reprit-elle en foûriant, il eft donc inutile que je le life. Il y a des circonftances, répondit le Comte, que vous pouvez ignorer, & dont il eft à propos que vous foiez inftruite. Voions donc dit Mademoiselle de la Charce, fi cet écrit me rendra bien sçavante; puis le mettant dans fa poche,je prévois,continua-t-elle, que mon ignorance durera toute la journée, & que je ne pourrai me rendre habile que lorsque je serai retirée dans ma chambre. Le Comte fut charmé du fuccès de fon entreprise, Mademoiselle de la Charce n'eut aucunes impatiences, tant qu'il étoit pré

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fent: mais fi-tôt qu'il fut forti, elle alla se renfermer pour ouvrir le billet qu'il lui avoit donné où elle trouva ces paroles.

Le Comte de Caprara à Mademoifelle de la Charce:

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Je voudrois vous dire à tous les » momens, que jamais paffion n'a égalé celle que je fens que je fens pour vous: » mais nous avons tant de furveillans, qu'à peine ofai.je donner à » mes yeux la liberté de vous en affurer; ne trouvez donc pas mau»vais que je prenne celle de vous jurer une conftance & une fidelité à toutes épreuves, ne me re» fufez pas quelques mots, Made» moifelle, qui me flatent d'un re» tour digne de mon amour, vous » m'avez laiffé entrevoir des marques de bonté que j'efpere de mériter;continuez les, en répondant » comme je le defire, à une ten

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dreffe qui durera autant que la « vie du Comte de Caprara.

Mademoiselle de la Charce ne trouva aucun fujet de se plaindre dans ce Billet, elle avoit permis au Comte de l'aimer & de lui dire, elle ne lui avoit pas même défendu de fe flatter de la rendre fenfible fes fentimens étoient ; élevés, & fon ame avoit trop de grandeur, pour être capable de détours: elle avoit reconnu qu'un ascendant dont elle n'avoit pû être maîtreffe, l'entraînoit à ai mer le Comte; elle ne lui trou. voit nulle maniere qui pût bles ser sa vertu & renonçant à toutes les fauffes fineffes des fem. mes ordinaires, elle réfolut de répondre au Comte felon fon cœur, fans pourtant diminuer en rien des devoirs qu'elle s'étoit prefcrits. Le premier jour qu'il vint chez elle, elle gliffa adroitement sa réponse dans sa main;

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