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ferois ravie de le voir mon beaufrere. Vous allez bien vîte, ma four, repartit Mademoiselle de la Charce, s'il occupe ma penfée, c'est d'une maniere bien dif férente de celle que vous avez imaginée. Hé quoi dit Mademoifelle d'Aleyrac, le haïriezvous? Non, répondit Mademoi felle de la Charce; je ne fuis fi injufte, je connois ce qu'il vaur, & ce qui occupoit mon esprit lorfque vous avez commencé à me parler, étoit des réflexions que je faifois fur le caprice de nos cœurs: je vois comme vous les bonnes qualitez & le mérite du Marquis, je n'ignore pas l'égalité de nos conditions & la convenance de nos fortunes ; ce pendant j'ai un fi parfait éloignement pour le mariage, que je ne vois les affiduitez qu'avec une peine extrême; je veux même rompre tout commerce avec

Madame de Rivieux fa tante, de crainte qu'elle n'entre en matiere avec mon pere, auquel je ne veux pas me mettre à portée de manquer de foumission: ainsi je ferai mon poffible pour éviter que mon obéiffance ne fouffre une épreuve qu'elle pourroit mal foutenir. Mais, interrompit-elle, de quoi m'inquiétai-je ? nous parlons du Marquis comme s'il m'avoit déclaré un amour violent, comme s'il m'avoit juré qu'il ne finiroit qu'avec fa vie, & qu'il m'eût dit qu'il ne pouvoit être heureux que par la poffeffion de mon cœur: il ne m'a jamais tenu aucuns difcours qui approchent de tout ce que nous nous fommes imaginées. Non, non, ma fœur, il ne pense à moi que de la façon qu'il penfe à toutes les perfonnes de notre fexe; s'il vient fouvent, peutêtre que la maison de mon pere lui paroît plus

agréable qu'une autre : la fituation en eft gracieuse, les promenades charmantes, la compagnie affez bonne pour amuser; ainsi ne nous formons pas des idées qui ne peuvent que me faire de la peine. En achevant ces paroles, Mademoiselle de la Charce vit fortir le Marquis de Crémieux de derriere une haye; il fe jetta à fes genoux en lui difant Que de triftes chofes je viens d'entendre, Mademoiselle! mais la plus cruelle de toutes c'eft l'incertitude où vous êtes de la paffion que je fens pour vous depuis le premier moment que j'ai eu l'honneur de vous voir; le refpect m'avoit fermé la bouche, il n'a pû impofer le même filence à mes yeux; pour peu que vous euffiez fait atten. tion au feu dont ils font animez lorfqu'ils rencontrent les vôtres, vous auriez aisément découvert

celui dont mon cœur eft embrafé. N'en doutez donc plus, Mademoiselle, il n'eft que trop vrai que je vous aime & que je vous aimerai éternellement : le peu d'efperance que les paroles que j'ai entendues me laissent, ne diminue point mon amour; peut. être qu'à la fin vous rendrez juftice à la perfévérance & à la fidelité que je conferverai pour vous. Mademoiselle de la Charce étoit fi furprise de voir le Marquis dans un lieu où elle ne l'attendoit pas, & de ce qu'il avoit écouté la conversation qu'elle avoit eue avec fa four, qu'elle le laila parler affez longtems, fans avoir la force de l'interrompre: mais enfin reprenant fes efprits, elle lui dit avec beaude fierté: Ne me vantez pas tant votre respect, Monfieur; fi vous en aviez pour moi autant que vous voulez me le perfua

coup

der, vous n'auriez pas cherché à pénétrer ce que je n'avois pas intention de vous apprendre : ainfi fi votre amour n'eft pas plus réel que votre refpect,vous pouvez garder l'un & l'autre pour des perfonnes plus faciles à convaincre que moi. Ne m'accusez' point d'indifcrétion, Mademoifelle, reprit le Marquis ; le hazard seul cause mon crime, j'ai trop d'envie de vous plaire pour me laiffer aller à aucune action qui pût produire un effet con. traire. Je fuis arrivé un moment après que vous êtes fortie, j'ai voulu rendre mes devoirs à Madame votre mere; on m'a dit qu'elle étoit enfermée dans fon cabinet, que Monfieur votre pere étoit à la chaffe: enfuite on m'a montré la route que vous aviez prife, j'ai fuivi vos pas avec empreffement; ayant entendu prononcer mon nom, je n'ai fait

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