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toûjours évité avec foin ce que le reste du monde en appelle les maux. Si Made de Clairville n'é toit pas préfente, reprit le Comte de Caprara, je dirois que c'est que vous n'avez jamais aimé véritablement, puifque quand même on auroit tous les fujets raifonnables de fe louer de fa Maîtreffe, un jour d'absence, la crainte de manquer à la moindre chose de ce qui lui peut plaire, l'apréhenfion d'un changement, tout agite & fait de la peine, même au milieu des profperités. Voilà, ré pondit Madame de Clairville, fçavoir aimer parfaitement, prenons tous deux des leçons du Comte de Caprara, ajouta-t-elle en regardant le Comte de Velfbergt: pour moi je ferai volontiers fon écoliere; pour cet effet il faut que nous ayons plufieurs converfations particulieres, vous choifirez auffi votre temps pour

être inftruit, enfuite nous exa. minerons fi nous fommes dignes l'un de l'autre. Ce n'eft pas d'au jourd'hui, interrompit le Comte de Velbergt, qu'il a merité le furnom d'Amadis;ainfi je ne confens point que vous faffiez votre aprentiffage fous un pareil maître, outre les délicateffes qu'il vous mettroit dans l'efprit, votre ignorance dureroit peutêtre autant que notre féjour en ce paiïs; & comme nous repartirons enfemble, je n'aurois pas un moment pour profiter du progrès que vous auriez fait dans l'art d'aimer. Un peu moins de fcience, continua-t-il, & plus de folidité m'accommodera davantage; aimez moi de la façon que je vous aime, je ne vous demande pas autre chofe, Rien n'est plus raifonnable, reprit Madame de la Charce en riant, quand on ne fouhaite que ce que l'on veut

bien donner, il n'y a pas le mot à dire. Il est vrai, répondit la Veuve; mais je ne ferois pas fachée de connoître la differente maniere d'aimer du Comte de Caprara & du Comte de Velfbergt. Oh! vous voulez être trop fçavante, reprit Madame de la Charce, des critiques vous accuferoient de coqueterie. Je ne veux pas, interrompit le Comte de Caprara, faire mériter une pareille épithereà Madame de Clairville m'intereffant trop à ce qui la regarde pour contribuer à déranger l'eftime qu'elle s'attire de tous ceux qui ont l'honneur de la voir, le Comte de Velfbergt eft le premier en date de décla ration, ainfi je n'aspire point au bonheur de lui donner des leçons; fi on veut m'honorer de la qualité de confident, j'en uferai avec beaucoup de probité. Pourvû que vous vouliez, repar

tit Madame de Clairville, prendre part à ce qui me regarde, je vous recevrai en quelque condition que ce foit, & peutêtre n'en ferez-vous pas faché par la fuite. Elle dit ces paroles en intention d'attirer le Comte à quel. que prix que ce fut, & elle les accompagna d'un regard qui auroit été bien intelligible, s'il avoit voulu y faire attention. Je m'oppofe à ce projet, interrompit le Comte de Velfbergt; & je vous recufe, dit-il s'adreffant auComte de Caprara; ma belle Veuve vous fait trop d'avance, vous vous déclarerez fans doute pour elle, & vous ne conferverez aucuns regards pour la justice de ma cause. Mademoiselle de la Charce ne se mêla point de la converfation, quoiqu'elle eût fujet d'être contente des fentimens du Comte, les agafferies de la Normande ne lui faifoient nul

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plaifir, le veritable amour n'est jamais fans quelques méfiances. Cependant le Comte de Caprara recevoit avec tant de froideur tous les difcours de cette Veuve, qu'elle n'avoit pas lieu d'en avoir le moindre ombrage, ni la Veuve de fatisfaction; mais elle étoit fi diffipée, qu'elle ne s'appercevoit pas encore de la véritable caufe de l'indifference de ce jeune Seigneur.

On fe difpofoit dans ce tems. pour le voyage de Fontainebleau;le Duc de Paftrane Grand d'Espagne avoit apporté la procuration du Roi fon maître, pour la célébration de fon mariage avec Mademoiselle, tout le monde fe faifoit un grand plaifir de voir cette Fête; la Princeffe qui y avoit le plus de part étoit la feule qui la regardoit approcher avec douleur,rien n'égaloit celle qu'elle fentoit d'être obligée de

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