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quitter ce Royaume, une des plus belles Couronnes de l'Univers, qui lui étoit destinée, ne l'auroit pas tentée, fi on avoit voulu la laiffer en France avec une fortune médiocre, par l'attachement qui la lioit aux perfonnes qui compofoient l'augufte Maifon dont elle fortoit; mais tout le monde fçait affez l'afflic tion qu'elle marqua en partant, fans que je m'étende fur ce fujet, d'autant qu'il n'a pas de rapport

au mien.

Mademoiselle de la Charce auroit bien voulu que Madame de Clairville n'eût point été de leur compagnie pour aller à Fontainebleau, elle craignoit que par la fuite elle ne découvrît l'intelligence qui étoit entre elle & le Comte, & qu'elle ne fût expofée à quelques mauvais tours de la part de cette femme ; cependant Mádame de Clairville s'é

toit fi bien ancrée auprès de Ma. dame de la Charce, qu'elle ne faifoit pas un pas fans elle, s'y étant accoûtumée, comme fi elle étoit fa troifiéme fille; ainfi il fut refolu qu'elle feroit du voyage, & même dans leur caroffe. Mademoiselle de la Charce en dit fon fentiment au Comte, ils convinrent ensemble de prendre toutes les précautions poffibles, pour ne lui donner aucuns foupçons, & pour lui ôter l'efperance de pouvoir s'en faire aimer, afin que n'ayant plus de prétentions fur fon cœur, elle eût moins d'attention à examiner fa conduite.

Il ne fe paffa rien de particu lier le tems que l'on refta à Paris ; enfin le jour fut pris pour fe rendre à Fontainebleau, où le Roi étoit déja. Le Comte de Caprara, le Comte de Velsbergt & le Comte de Rofembourg, vi

rent les Dames la veille. La partie étant faite de partir tous, le même jour, ils conclurent qu'ils se trouveroient à Effonne & dineroient ensemble; le Comte de Caprara ne voulant pas manquer une occafion de paroître galant en general, & tendre & foigneux en particulier à Mademoiselle de la Charce, envoya dès le foir provifion de tout ce qu'il y avoit de mets plus nouveaux & plus exquis pour leur diner; il n'oublia pas une troupe de Muficiens, ayant remarqué que celle de Saint Cloud avoit été du goût de la perfonne qu'il aimoit, & contant que c'étoit un amusement agréable pendant le repas. Ces Meffieurs fe mirent en chemin avant les Dames, ils donnerent une place dans leurs carof. fes à Monfieur de la Charce: lorfque les Dames arriverent, ils fe présenterent pour leur donner

la main, & les conduifirent dans une chambre où il y avoit des lits accommodés le plus proprement que l'on avoit pu en pareils lieux, en cas qu'elles euffent envie de fe repofer: mais Madame de la Charce dit que la Compagnie étoit trop bonne, pour perdre à dormir le tems que l'on pouvoit paffer avec elle. En attendant le diné,on fit une partie de Baffette, lorfque l'on fe mit à table,tout le monde fut furpris de voir un repas des plus propres, des plus abondans & des plus magnifiques; Monfieur de la Charce penfa en lui même qu'il en feroit pour une fomme confiderable, puifque fa fuite étoit nombreu fe, s'il avoit prévû la prodigalité de ce feftin, avant que l'on le fervit, il auroit fait un tour dans la cuifine pour la modérer. L'étonnement de la troupe redoubla, lorfque l'on entendit une

fimphonie-très agréable, il fut aifé de s'imaginer que ce n'étoit pas le maître du logis qui prenoit tant de foin de régaler ceux qui paffoient chez lui. Monfieur de la Charce dit en s'addreflant aux Allemands: Meffieurs, vous avez plus de part que moi aux plaifirs que nous goûtons, je ne fuis pas affez jeune pour être ga lant: de plus, des quatre Dames qui font ici, il y en a trois qui ne m'infpireroient point le defir de donner des Fêtes; ainsi mes galanteries ne pourroient regarder que Madame de Clairville, mais je n'ai pas affez de présomption pour attaquer une place qui feroit défendue par un Cavalier de l'âge & de la figure du Comte de Velsbergt: je ne m'aviserai donc point de marcher für fes brifées, ni de lui difputer un cœur auquel il croit avoir droit de prétendre. A qui eft ce donc

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