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que quand même il feroit férieux, vous auriez lieu d'être contente, puifque j'ai pour vous toute l'eftime, toute la confideration & le refpect que mérite une Dame auffi parfaite & auffi aimable que vous l'êtes. Voilà des fentimens, répondit la Normande, que l'on peut avoir pour plufieurs perfonpes en même temps; je vous en demande de particuliers, l'amour est une paffion qui ne fçauroit le partager; s'il fe répandoit fur differens objets, il ne feroit plus amour, & c'est ce que je veux de vous. Vous en parlez, reprit le Comte, bien fçavamment pour une perfonne qui demandoit il y a quelques jours à être mon écoliere fur ce fujet, je vois bien que vous êtes plus habile que n'auroit été celui que vous choififfiez pour maître, car je vous avoue franchement que je n'ai point encore mis en pra

tique les maximes que j'avançai devant le Comte de Velbergt, je ne les ai appris que par theorie,, il faudroit même du tems pour me déterminer, me fentant beaucoup plus de difpofition à être auffi délicat, que je le parus lorfque vous vouliez prendre de mes leçons, c'eft pourquoi j'éviterai autant qu'il me fera poffible, les peines qui fuivent de médiocres plaifirs, en attendant contentez-vous de ce que je vous offre. Vous connoissez à present, dit cette Veuve, le motif de mon empreffement à me ignorante, je cherchois un prétexte qui pût vous engager dans une liaison avec moi, qui ne devint fufpecte à perfonne. Ne raillez donc pas davantage, continua-t-elle, mon difcours eft fé. rieux, & j'en ai trop dit, pour être fatisfaite de ce que vous voulez me donner. Lorsque le

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Comte vit qu'elle prenoit la chofe fur un ton décifif, il crut qu'il devoit un peu flatter sa manie, de crainte qu'elle ne découvrît ce qui fe paffoit dans son cœur ; ainfi il lui dit, Ce qui n'a point été jusqu'ici peut arriver par la fuite, je ne me croiois pas affez heureux pour vous plaire, cette connoiffance peut achever aifément ce que vos charmes ont ébauché mais, Madame, il y a de la cruauté de vouloir féduire le cœur d'un Etranger, qui n'a que quelques mois à demeurer dans les paiïs que vous habitez fans efperance d'y revenir; c'eft donc pour le rendre infortuné le refte de fa vie? plein de votre idée, où trouveroit-il nulle autre part quelqu'un capable de l'effacer, avec de pareilles pensées ? permettez-moi de défendre ma liberté autant qu'il me fera pos fible. Ces dernieres paroles cau

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ferent beaucoup de joie à Madame de Clairville, elle s'imagina qu'il commençoit à fuccom. ber, elle alloit combattre ses raifons, lorfque le Comte de Velsbergt arriva, qui s'écria en entrant, Quoi tête à tête avec ma belle Veuve! apparemment qu'en bon ami, & en proche parent, vous lui parliez en ma faveur que vous lui vantiez l'excès de mon amour, & que vous tâchiez de lui perfuader d'y répondre comme je le mérite. Il n'en faut pas douter, répondit le Comte de Caprara, qui étoit ravi que fon ami eut interrompu une conversation qui le fatiguoit extré mement; vos interêts me font fi chers, que je ne laifferai pas échaper une occafion de vous le prouver. Madame de Clairville ne fut pas fi contente que le Comte, & ne put s'empêcher de paroître plus réveule que de cou.

tume, elle craignit que le Comte de Caprara ne fortit trop tôt pour l'arrrêter, elle propofa une partie d'Ombre qu'il accepta avec plus de plaifir, qu'il n'auroit fait des difcours pareils à ceux qu'il venoit d'effuyer, fe Alattant même que Mademoifelle de la Charce reviendroit avant que le jeu fût fini. Son attente eut le fuccès qu'il avoit efperé ; le pere, la mere & les deux filles parurent peu après: le Comte de Caprara remarqua un mouvement de joie dans les yeux de Mademoifelle de la Charce lorfqu'elle l'avoit apperçu, qui en communiqua une fenfible à fon cœur ; Madame de Clairville étoit d'une distraction férieuse, qui ne reffembloit point à fon naturel, mais perfonne n'y faifoit attention, le Comte de Caprara feul étoit au fait de cette inégalité d'hu

meur.

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