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que ce que tout autre à ma place n'auroit pu s'empêcher de faire. La curiofité doit-elle être défendue, quand le bonheur ou le malheur de la vie en dépend? Cependant, Mademoiselle, puifque la mienne vous est defagréable, je la condamne, & vous en demande pardon; j'en fuis même puni puifqu'elle ne m'a rien appris d'avantageux à mon amour; elle m'a feulement donné lieu de vous affurer que perfonne n'en a jamais fenti un plus ardent. Finif. fons ce difcours, Monfieur, interrompit Mademoiselle de la Char. ce; je fouhaite votre eftime, je ne vous refuferai pas la mienne: mais ne parlons plus d'amour fi vous voulez que votre préfence ne me déplaife point. Quelle loi m'impofez vous, Mademoifelle, répondit le Marquis? me fera-t-il poffible de garder le filence fur une chofe qui m'oc

cupe tout entier, & qui ne me permet pas d'avoir d'autres penfées? Je vous le repete, conti. nua Mademoiselle de la Charce, ou ne me voiez plus, ou gué riffez-vous d'une paffion inutile. L'alternative eft terrible, s'écria le Marquis, je tâcherai de me taire, ne pouvant ceffer de vous aimer, ni vivre fans vous voir. En finiffant ces mots ils arriverent au Château, dont Made. moiselle de la Charce avoit pris le chemin fitôt que le Marquis avoit paru; elle fut plus férieuse que de coutume le refte de la foirée, & ne donna aucune occafion au Marquis de renouer la converfation qu'il avoit eue à la promenade. Il n'avoit pas fujet d'être content, cependant il fentoit une espece de fatisfaction d'avoir trouvé le mojen de s'expliquer; il s'imagina que malgré le filence où il étoit condamné,

aiant parlé une fois, fes manieres & les regards confirmeroient ce qu'il avoit dit & qu'il n'ofoit plus dire. Ces interprêtes auroient été bien intelligibles pour une perfonne qui auroit voulu les entendre, mais Mademoifelle de la Charce paroiffoit n'y faire nulle attention.

Madame de Rivieux conti nuoit d'écrire régulierement à Mademoiselle de la Charce. On devoit faire une cérémonie à Mont-Fleury, cette Dame pria Madame de la Charce de s'y trouver avec Mefdemoiselles fes filles. Ce font des parties agréables pour la Province; dans pa reilles occafions il s'y rencontre très-bonne compagnie. Madame de la Charce confentit volontiers à procurer cet amusement à ces aimables perfonnes. Elles furent reçues de Madame de Rivieux avec un empreffement ex

trême, & beaucoup de marques d'une amitié très-tendre. Son deffein étoit de profiter de ce. tems-là pour parler à Madame de la Charce en faveur de fon neveu: elle étoit confidente de fa paffion, & avoit contribué à la faire naître. Elle entretint donc Madame de la Charce de ce qu'elle fouhaitoit ; elle lui parla avec beaucoup d'efprit, & fe fervit de raifons fi valables pour faire agréer fa propofition, que Madame de la Charce ne la rejetta point; mais en perfonne prudente elle répondit qu'elle ne pouvoit décider fur une pareille chofe, qu'elle n'en eût fait part à Monfieur de la Charce & à fa fille. Je vois bien, continuat-elle, que rien n'eft plus convenable; & s'il ne dépendoit que de moi, j'accepterois avec plai fir l'honneur qu'on fait à ma fa. mille, mais en pareils cas le

confentement des Parties me paroît le point effentiel. Madame de Rivieux s'engagea de répondre de celui de fon neveu. Ma. dame de la Charce n'en doutoit point, il y avoit longtems qu'elle avoit remarqué les affiduitez de ce jeune homme, mais la retenue & la sagesse de sa fille ne lui avoient pas donné lieu de s'en inquiéter, ni de s'informer de fes fentimens. On resta quelques jours à Mont-Fleury, où Madame de Rivieux appliqua tous fes foins à faire paffer agréablement le tems à cette illuftre Compagnie.

Lorsque Madame de la Charce eut rejoint fon mari, elle lui parla de la propofition qui lui avoit été faite, il la trouva raifonnable, & en fouhaita l'execution. Il n'étoit plus queftion que d'avoir le confentement de Ma demoiselle de la Charce. Mada

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