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la Compagnie des Dames qui lo gent ici, m'étoit très agréable avant que j'euffe dêmelé cequi fe paffe dans mon cœur ; mais elle me devient à charge, quand elle est un obftacle au défir que j'ai de vous parler de mes fentimens, quoique vous ne deviez plus les ignores, après ce que je vous en ai dit; mais on tombe fouvent dans les répetitions, fur ce qui nous occupe entierement: de plus il s'agit de m'inftruire des vôtres, ferez-vous ingrat? vous m'avez infpiré une fi bonne opinion de votre mérite, que j'efpere que vous ne ternirez point les belles qualitez que l'on voit briller en vous par un vice auffi déteftable. Non, Madame, reprit le Comte, j'ai toute la reconnoiffance pof fible des bontez dont vous m'ho. norez; fi je n'y répons pas encore avec l'ardeur qui conviendroit à vos charmes, n'en accusez que

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l'éloignement que j'ai depuis que je me connois pour les engagemens; peutêtre ai-je pouffé mes terreurs trop loin,mais on a peine à revenir des premieres préventions; c'est pourquoi je me fuis toûjours efforcé de tenir mon cœur en garde contre une paffion qui eft ordinairement accompagnée d'inquiétude, de peines & de malheurs; donnez lui du temps pour revenir des craintes où je l'ai maintenu jufqu'à prefent, il lui en faut pour s'appri voiser avec l'amour, je ne doute pas que vous ne foiez plus capable que perfonne de le réduire ; lorfqu'il fera gueri de fes préjugez, il vous aura une obligation infinie de l'avoir tiré de l'erreur où il a vécu. Vous ne m'aimez donc point encore, interrompitelle avec une efpece de dépit ? Je vous honore, repartit le Comte, je vous estime, je me facrifierois

pour votre fervice. N'est-ce pas là comme on commence d'aimer? Voilà, dit-elle,les fentimens que l'on demande à un ami, mais non pas ceux que l'on veut d'un amant, à la vérité on eft bien aise que l'eftime s'y rencontre: mais il faut y joindre une forte de ten dreffe vive & ardente, un defir de poffeder feul le cœur où l'on afpire, fe fixer à l'objet aimé, n'en fouhaiter aucun autre, être chara mé quand on le voit, le quitter avec chagrin, n'avoir d'attention qu'à ce qui peut lui faire plaisir : voilà les fentimens d'un cœur véritablement touché. Il est triste pour moi, ajoûta- t. elle, d'être obligée de vous inftruire de toutes ces choses, vous auriez dû les apprendre vous. même, fi vous aviez eu pour moi la même inclination que j'ai fenti pour vous, Dès que je vous ai connu me paroiffiez fi habile fur cette

vous

matiere, interrompit le Comte qu'un homme délicat pourroit vous dire qu'aparemment vous en avez fait plufieurs experiences; cette pensée n'eft pas gracieuse pour un cœur tel que le mien, s'il s'engageoit, ce feroit pour toûjours, il agiroit de bonne foy, mais il demanderoit à être payé de la même monnoye; il est tout neuf, êtes-vous en pouvoir de lui offrir la même chofe? votre science prouve le contraire. Que les leçons que je vous donne ne vous épouvantent pas, reprit Madame de Clairville, ma tendreffe pour vous m'a plus inftruite que je ne l'ai été par nul autre ; il eft vrai que j'ai eu quel ques amusemens, mais ce que vous m'avez infpiré m'apprend que j'ignorois les effets d'une véritable paffion regardez donc mon cœur, comme étant auffi neuf que le vôtre, votre merite

vous eft caution de la folidité de fes fentimens. Le Comte étoit au défefpoir de fe trouver embarqué dans une conversation dont il ne fçavoit par où se tirer; s'il donnoit des efperances à la Veuve, il craignoit de faire une tra hifon aux charmes, & à la tendreffe qu'il avoit vouée à Mademoiselle de la Charce; fa délicateffe n'y pouvoit consentir: s'il lui difoit qu'il n'avoit pas intention de s'engager, il pouvoit l'aigrir, outre que la politesse ne lui permettoit point de parler avec une franchise qui paroîtroit offenfante à une femme qui fe croit aimable. Par bonheur pour lui, il arriva des vifites Normandes, qui le délivrerent de l'embarras où il étoit, & qui furent fuivies du Comte de Velfbergt. Jamais le Comte de. Caprara ne s'étoit trouvé dans une pareille inquié tude. Le premier dit à la Veuye;

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