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jugez.en vous-même, par ce que je vais vous dire, enfuite il luf répeta la conversation dont il avoit été témoin, lorfqu'il la fauva du feu: en voilà trop, reprit la veuve, il faut qu'il nous paye les chagrins qu'il nous cause uniffons nos interêts ajoûta le Marquis, & songeons à nous venger.Helas!que pourrons nous faire, répondit-elle, ils font contens l'un de l'autre ; de plus force-t'on des cœurs à aimer contre leurs inclinations? fi on ne les force pas à aimer, interrompit le Marquis, on peut dé ranger leur bonheur, & les rendre auffi infortunez qu'ils ont été tranquilles jufqu'à prefent, il faut avertir le pere & la mere d'une liaison qui ne fçauroit avoir des fuites honorables pour eux; mais prenons nos mesures de façon que nous ne puiffions être foupçonnez, afin d'avoir le plaifir d'être

témoin de leurs peines: il n'y a, dit la veuve, qu'une Lettre anonyme qui convienne de la fa çon que vous l'imaginez; car de faire confidence de notre dépit à quelqu'un, outre que la chofe feroit trop humiliante pour nous, peut-être ferions-nous mal fervis: je l'ay pensé de même, répondit le Marquis, il faut qu'il la reçoiye en arrivant à Paris, ou l'on retourne demain, je me charge de la dicter & de la faire écrire. Ce projet remit un peu de calme dans l'efprit de ces deux victimes de la jaloufie; l'efperance de la vengeance eft une chofe bien flateufe pour des perfonnes qui fe croyent outragées ; ils fe promirent de diffimuler leurs reffentimens autant qu'il feroit neceffaire pour faire réuffir leurs deffeins; Madame de Clairville agaça le Comte de Caprara com. me à l'ordinaire, elle lui dit en

particulier : Hé bien, Comte, vo tre cœur s'apprivoise-t-il avec l'amour ? ai-je lieu d'efperer que la tendreffe que je vous ai marqué ne fera pas infructueuse? je vous ai déja áffuré, reprit le Comte, que vos charmes doi vent vous être caution, que vous ne courez pas rifque d'attaquer un cœur envain, je peux donc, continua-t-elle,compter fur le votre: vous ne répondez point, s'il eft à moi, pourquoy balancer? Par donnez, dit-il, une timidité dont je ne fuis pas le maître, les gens de mon Païs ne font point fi galants que ceux du vôtre, aufquels des déclarations & des protestations ne coutent rien & font fi familieres qu'ils en feroient mille en un jour, nous fommes plus folides, je ne doute pas que vous ne foyez contente de moi à l'a. venir; je vous repete que vous avez déja mon eftime, c'est le

premier point, pour établir un amour fincere & durable. Vous êtes trop circonfpect, interrompit Madame de Clairville, l'amour ne raisonne point tant, plus de tendreffe & moins de po litique le Comte cherchoit à faire une réponse ambiguë,qui ne put l'engager ni aigrir la veuve, lorfqu'ils furent interrompus, au grand contentement de cet amant aimé malgré lui, qui ne fçavoit plus de quelle maniere fe tirer de l'embarras ou ces difcours le jettoient; Madame de Clairville fut convaincuë de l'in. difference du Comte à fon égard, quels déplaifirs pour une jolie femme d'être meprifée de ce qu'elle aime elle auroit été moins piquée s'il avoit connu Mademoiselle de la Charce avant elle; mais les avoir vûës toutes deux pour la premiere fois dans le même moment, & avoir fans

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raisonner, donné la préference à Mademoiselle de la Charce pa. roiffoit une chose impoffible à di gerer à Madame de Clairville i l'interêt de fes appas, & fon inclination exciterent dans fon ame une fureur prefque égale à celle du Marquis, elle le pria de preffer leurs vengeances; il fit donc écrire une Lettre, telle que celle de cette efpece font construi tes ordinairement ; c'est-à-dire qu'il paroiffoit que c'étoit un ami particulier de Monfieur & de Madame de la Charce, qui prenoit tant de part à tout ce qui avoit rapport à eux & à leur famille, qu'il fe croyoit obligé de les avertir que l'extrême liaison qui paroiffoit entre Mademoiselle de la Charce & le Comte de Caprara, faifoit un très-grand tort à Mademoiselle leur fille, que le donneur d'avis connoiffoit&étoit perfuadé de sa vertu; mais que

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