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le Public, qui ne la voyoit pas de fi près, s'ingéroit à faire des contes qui n'étoient point avantageux à sa réputation, qu'il seroit à propos de mettre fin aux affiduitez du Comte, puifqu'auffi bien devoit-elle fe terminer par fon retour en Allemagne ; que fa parentée & fes établissemens en ce païs-là ne lui permettroient pas de revenir jamais en France; qu'une perfonne de la qualité & du merite de Mademoiselle de la Charce n'étoit pas faite pour fervir d'un amusement paffager à cet étranger : on ajouta enfuite tout ce que l'on imagina de plus fort pour féparer ces deux amans; Monfieur de la Charce montra cette Lettre à Madame de la Charce; ils furent trèsétonnez d'un pareil avis, Madame de la Charce dit que cet écrit venoit plûtôt d'une main ennemie ou envieufe que de gens

qui fuffent dans leurs interêts comme ils vouloient le paroître; que fa Fille ne faifoit rien qui pût être cenfuré, que leur connoif fance avec le Comte tiroit fon origine du service effentiel qu'il leur avoit rendu à Vincennes que depuis, les vifites qu'ils en avoient reçûes avoient toujours été accompagnées de tout le refpect & de toute la politesse que l'on pourroit attendre d'un homme au deffus de lui, qu'il n'étoit pas furprenant qu'il vint fouvent chez eux, puisqu'ayant peu de connoiffance, & paroiffant délicat fur les compagnies qu'il fréquentoit, il ne fe jettoit pas indifferemment à la tête de tout le monde. Ce que vous dites peut être vrai, répondit Monfieur de la Charce, je fuis perfuadé de la fagefle du Comte, & de la vertu de ma Fille, il peut y avoir de la trahifon de la part de l'Auteur

de la Lettre, les traîtres font fort méprisables, mais on doit faire fon profit de la trahison ; quelquefois les proches font les derniers à s'appercevoir de ce qui frappe les yeux du Public, on ne fçauroit trop observer les bien. féances quand on a de grandes filles auprès de foy : cette affaire vous regarde, continua-t-il, c'eft à vous à instruire votre Fille des difcours qui fe tiennent, je crois qu'elle fera la premiere à en craindre les fuites, elle m'a pa ru fiindifferente jufqu'ici, que j'ai lieu de croire qu'il y a plus de calomnie que de verité dans cette accufation, cependant il les faut éviter, vous prierez enfuite le Comte de Caprara de retrancher de ses affiduitez, & infenfiblement il faudra s'en défaire dautant que ce font des connoiffances qui tombent d'elles-mêmes par l'éloignement des païs: Ma

dame de la Charce approuva tout ce que fon mary lui difoit, étant perfuadée comme lui, que Mademoiselle de la Charce ne prenoit aucun interêt particulier à ce qui régardoit le Comte. Elle lui lut la fatale Lettre, qui caufa à cette tendre perfonne un trouble qu'elle ne put cacher; la mere s'en apperçut, mais elle n'en fit nul femblant, & lui reprefenta avec la prudence ordinaire, que rien n'étoit plus trifte pour une fille bien née que de donner lieu à la médifance, que l'on ne pouvoit prendre trop de pré caution pour s'en garantir,qu'ainfi elle prieroit le Comte de les voir un peu plus rarement; elle ajoûta toutes les bonnes raifons que Monfieur de la Charce avoit alleguées; le défordre de Mademoiselle de la Charce ne lui permettoit pas de parler; fa mere jetta les yeux fur elle, comme

pour ui demander une réponse; elle fut bien étonnée de voir fon visage couvert de larmes; elle voulut encore diffimuler, & continua, en l'affurant qu'elle ne devoit point s'affliger, que fon Pere ni elle n'ajoûtoient nulle foy au contenu de cette Lettre, qu'ils connoiffoient fa vertu & fa régularité, que ce n'étoit que pour faire taire le monde, qu'elle de manderoit au Comte de venir moins fouvent, qu'elle étoit trèsfâchée d'être obligée de faire un pareil facrifice au Public, ayant pour lui une véritable eftime. Ha Madame, s'écria Mademoifelle de la Charce, fi vous étiez inftruite de ses fentimens, vous ne laifferiez pas à nos ennemis la fatisfaction qu'ils fe font promis par cette funefte Lettre j'ai déja donné ce titre, réprit Madame de la Charce; à ceux qui l'ont écrite ; mais, ma Fille, je ne peux

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