페이지 이미지
PDF
ePub

toujours paru incapable d'un ve ritable attachement, & qui s'est rendu fans efforts au premier moment de votre vûë. Le Com. te ne se sentoit plus d'humeur à ménager la Veuve, il ne craignoit point dans ce tems-là qu'elle examinât fes actions & celles de Mademoiselle de la Charce, les chofes n'étoient plus en cet état, elle ne les voyoit gueres enfemble, & ils s'en défioient plus que jamais; aintì il lui ré. pondit, voilà bien des graces Madame, qui combleroient de fatisfaction un homme plus fen fible que moi, mais par malheur je ne me trouve pas en fituation d'en profiter, on ne dispose point de fon cœur comme on le voudroit; vous dites que le vôtre n'a pû réfifter aux impreffions que ma préfence a fait fur lui, & moi je vous avoue avec peine, que le moment de vaincre l'in

difference qui a toujours regné dans le mien, n'est pas encore arrivé, je fuis fâché que vous ayez fi mal placé des bontez que je vous exhorte de répandre fur gens qui en feront un meilleur ufage; je fuis confus auffi d'être obligé de m'expliquer avec tant de franchise, mais fi je cherchois des détours, je croirois déroger à la bonne foi & à la probité dont j'ai toujours fait profeffion & desquelles je ne me démenti rai en aucune façon. La Veuve faillit à tomber de fa hauteur lorfqu'elle entendit ces paroles, elle s'étoit flattée qu'il l'aimoit, ou qu'il l'aimeroit par la fuite, il lui en avoit même donné quelques efperances dans les autres converfations qu'ils avoient eûës ensemble; mais celle-ci ne lui laiffoit nuls moyens de douter de fon éloignement pour elle: Quoi ingrat, lui dit-elle, vous

[ocr errors]

ne m'aimez donc point, & vous vous mocquez fans doute de la foibleffe que j'ai euë de vous découvrir ma tendreffe, & peutêtre en raillez-vous avec une plus heureuse que moi ? ne craignezvous point d'irriter un amour que vous défelperez ? pourquoi ceffez-vous fi promptement de me tromper, l'erreur où je vivois m'étoit agréable? Je fuis fâché de vous déplaire, répondit le Comte, je voudrois pouvoir vous fatisfaire, mais je vous déclare que vous vous y prenez mal pour m'y contraindre, vos menaces ne m'intimideront point, l'amour est une paffion libre qui ne vient pas quand on l'appelle, & qui fe fait fouvent fentir lorf qu'on voudroit l'éviter ; croyezmoi, Madame, contentez-vous de mon eftime, fi vous voulez me donner votre amitié, je la recevrai avec plaifir, & pour vous

1

prouver l'interêt que je prens à ce qui vous regarde, je me donne la liberté de vous conseiller de cacher à tout le monde la démarche que vous avez faites aujourd'hui, & la bonne volonté dont vous m'honorez; la connoiffance que le Public en auroit. feroit glorieuse pour moi, mais elle ne feroit pas avantageufe pour vous; je veux bien facrifier ma vanité en vous promet. tant le fecret, gardez-le de mê. me. Vous êtes trop foigneux de ma réputation, interrompit la Veuve, & vous ne l'êtes gueres de la confervation de mon repos; vous fçavez bien que je ne vou lois de vous que ce que la vertu pouvoit me permettre de defirer; je me flattois qu'un amour mutuel vous obligeroit à fouhaiter les mêmes chofes, je crois qu'il n'y a pas de difproportions entre nous, ainsi je ne vous faifois au

cun tort. Vous me fupaffez peutêtre en tout, répondit le Comte, mais, Madame, je vous ai déja dit que je n'étois pas mon maî tre; j'ajoûterai donc, pour vous marquer ma fincerité, qu'il y a long-tems que mon pere m'a engagé, & qu'il n'y a que la grande jeuneffe de celle qu'il me deftine qui retarde la conclufion de no tre mariage. Que ne me difiezvous, reprit la Veuve, toutes ces raifons la premiere fois que je vous inftruifis de mes fentimens, j'aurois travaillé de bonne heure à ma guérison. Je n'ai pas eu aflez de présomption, répondit le Comte, pour croire que la chofe fût auffi férieufe que vous voulez me le perfuader; mais la maniere dont vous me parlez, m'oblige à vous faire un aveu in génu de l'état de ma fortune. Madame de Clairville parut trèsaffligée de voir évanouir les bel

« 이전계속 »