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moiselle de la Charce difoit au Comte, que vous importe, mon cher Comte, que l'on exerce contre nous des stratagêmes pour déranger notre union, fi vous m'aimez autant que vous voulez que je le croye, la malignité de

nos ennemis fera bien infructueu. fe, je vous répons de mon cœur, qui ne peut recevoir d'autre idéé que la vôtre; vous lui avez appris à connoître l'amour, il n'oubliera point vos leçons; ainfi tranquillifez-vous, ne cherchez point à découvrir ceux qui se cachent; n'eft-ce pas une gloire pour vous de voir que l'on n'ofe vous attaquer ouvertement ? Si vous n'étiez pas fenfible à mes maux, interrompit le Comte, je pourrois mépriser ceux que l'on cherche à me faire; mais vous avez la bonté d'en fouffrir, c'eft ce qui me touche plus vi. vement que je ne vous le peux

dire.

dire. Ils fe féparerent fans appercevoir le Marquis. Il eft aifé d'imaginer quelle fut fa rage, de connoître que tous les artifices n'avoient fervis qu'à ferrer les nœuds qui les unissoient, il s'en prenoit à fa parente, qui attiroit & retenoit toujours le Comte. Un foir que ce dernier avoit obtenu la permiffion des deux Sœurs de s'introduire dans leur chambre, lorsque l'on croiroit tout le monde endormi; le Comte fortit de la fienne à l'heure convenable, fans lumiere; il falloit paffer devant celle de Madame de Clairville, où il entendit parler un peu haut : il reconnut la voix du Marquis, ce fut aflez pour lui donner de la cu. riofité, il fe rangea dans l'endroit qui lui parut le plus sûr pour n'être point découvert dans ce moment le Marquis difoit à la Veuve, ne vous flattez

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pas davantage, je ne peux plus douter qu'ils ne foient dans une intelligence fi parfaite, qu'à moins que nous ne faffions joüer quelque reffort plus terrible que la lettre anonyme que nous avons écrite, nous ne pourrons les féparer; afin de vous prouver que ce que je dis eft vrai, voici un difcours que j'ai entendu, dans un tems où ils ne me croyoient pas fi près d'eux que je l'étois ; enfuite il lui répéta les paroles que Mademoiselle de la Charce avoit dites au Comte : après ce difcours, ajoûta-t'il, ferez-vous encore la dupe de votre cœur, & vous doit-il refter des efperances d'être aimée ? Peut-être que s'il ne leur étoit plus du tout permis de fe voir, l'inconftance qui eft naturelle au fexe de Mademoiselle de la Charce, lui feroit confiderer qu'il ne faut pas rout perdre à la fois, & que je

ne fuis point un parti à dédaigner; pour moi j'avoue que fa réfiftance m'a plus enflamé que n'auroient fait fes douceurs, les contradictions m'animent, & je fens que je ne peux vivre heu reux fans la poffeder; ainsi il n'y a aucun moyen que je ne tente pour arriver à mes fins,, je me porterois même à la violence d'un enlevement, s'il en falloit venir à cette extrêmité; je vous confeille, continua-t'il de vous détacher de vos prétentions fur cetAllemand, l'hiftoire que vous m'avez conté des deffeins de fon pere pour fon établissement, eft une fuppofition qu'il a imaginé pour vous dépaïfer, car Mademoiselle de la Charce l'aime trop pour n'en être pas aimée; fouvenez-vous de l'action qu'il fit lorfque le feu prit dans la maison où nous étions, & de mille autres circonstances qui marquent

fon indifference pour vous & fa

tendresse

pour

elle. Ne m'acca

blez pas davantage, interrompit Madame de Clairville, je ne vois que trop qu'il ne m'aime point, c'étoit un foulagement pour moi lorfque je croyois qu'il avoit les mêmes fentimens à l'égard de Mademoiselle de la Charce ; mais la voir triompher de mon malheur, être l'objet de leurs railleries & de leurs mépris, font des choses qui révoltent ma vanité, qui excitent ma jalousie, & qui défefperent mon amour puifque l'ingrat me trahit fi indignement, vengeons-nous de l'un & de l'autre, j'y consens & le fouhaite; mais prenons-nous-y de maniere que nous ne portions point de coups à faux. Ils eurent encore plufieurs difcours femblables, qui mirent le Comte dans une fureur difficile à exprimer; il quitta la place qu'il oc

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