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cours, elle porta fes tristes nouvelles à sa fille, en lui disant tout ce qu'elle crut capable de lui faire changer de sentimens, lui faisant remarquer qu'elle manquoit à fon premier devoir, en refiftant avec tant d'opiniâtreté aux volontez de fon père. Qu'il m'ordonne toutes autres chofes, répondit Mademoiselle de la Charce, je me facrifierai pour le fatisfaire, mais Madame, puifqu'il me donne l'alternative d'un Couvent ou d'un mari, ce n'est pas lui défobéir que de choifir j'accepte fans balancer le Couvent, pourvû que ce ne foit pas celui de Mont-Fleuri, qui est cause de tous mes malheurs. Quoi ma chere fille, lui dit Madame de la Charce en l'em

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braffant ; pouvez-vous si aisé.

ment vous déterminer à me quitter? Vous alleguez cette excufe, quand il est question de

vous marier, & elle devient fans valeur lorfqu'un Couvent vous délivre de ce que vous craignez. Vous vous aimez plus que moi, quoique mon amitié pour vous méritât plus de retour, que je n'en trouve. Mademoiselle de la Charce fut très touchée des reproches de fa mere; elle la pria de ne les pas continuer, pour moderer la douleur qu'ils lui caufoient. De plus, continua Madame de la Charce, que dirat-on de ce caprice? Si le parti qu'on vous propofe, avoit quel. que chofe de dégoûtant, foit en la perfonne, à l'âge ou à l'humeur; je ferois la premiere à penser comme vous; mais qui peut approuver votre procedé ? il vous fera tort. Je le condamne moi même, interrompit Mademoiselle de la Charce, & l'ai déja condamné plufieurs fois; mais, Madame, il m'eft impoffi

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ble de vaincre la répugnance que je fens pour un pareil engagement. Je connois toutes les bonnes qualités du Marquis, mais dès qu'on me l'offre fur le pied de mari, elles me deviennent odieuses; & le Couvent qui m'en délivrera aura mille charmes pour moi; il eft vrai qu'il me privera pour quelque tems du plaifir d'être auprès de vous, ce qui fera très fenfible pour mon cœur; mais, Madame, je me flatte que mon exil ne durera pas toujours; mon pere eft bon, il aura peutêtre pitié de mes foiblefles, & pourra me rappeller dans quelque tems. Non, ma fille, répondit Madame de la Charce, ne vous flattez point, il ne fera pas aisé de le ramener; il eft perfua dé qu'une fille qui vieillit dans cet art, ne peut qu'être à charge à une famille: il vous aime tous, mais l'interêt de vos freres

a toûjours fait les attentions ; ainfi il veut profiter d'un établissement avantageux pour vous, puifqu'il le trouve. Faites un effort fur votre efprit, la raison, le devoir, la complaifance, & la tendreffe, tout vous le demande. Hai Madame, reprit Mademoifelle de la Charce épargnezmoi le déplaifir de voir que tout ce que vous me dites eft plein de justice, & par confequent, que je fuis une malheureuse, rebelle à l'équité, & qu'il faut que j'aille cacher mon crime dans un cloître. Madame de la Charce fut très touchée de l'obftination de fa fille elle la diffimula & l'adoucit autant qu'elle le put, auprès de Monfieur de la Char ce; mais il ne prit pas le change, il ne vouloit pas même la voir, fi elle perfiftoit dans fon opiniâtreté, & ordonna que le lende. main elle obéiroit, ou feroit con

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duite à Valence dans l'Abbayïe de Soyon. Elle se difpofa fans peine à fon départ, qui caufoit une fi vive douleur à Mademoiselle d'Aleyrac, qu'elle propofa de la fuivre : ce qui aug menta la colere de Monfieur de la Charce, lequel dit à Mademoiselle d'Aleyrac, qu'apparemment elle vouloit aller à l'école de la défobéiffance; mais qu'il l'en empêcheroit bien que fa four étoit un efprit pernicieux avec qui il ne vouloit pas qu'elle eût aucun commerce. Mademoiselle d'Aleyrac étoit trop douce & trop timide, pour ofer repliquer à un pere auffi imperieux, elle vit partir fa fœur avec une défolation extrême; Made_ moiselle de la Charce marqua plus de fermeté, quoiqu'elle lentît beaucoup de peine à se séparer de fa mere & de fa foeur; mais elle fuyoit un mari. Lorf.

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