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répondit Mademoiselle d'Aleyde douter de mon amitié c'eft elle qui m'oblige à vous dire, que fi vous ne pouvez vaincre votre douleur,il faut du moins effayer de la diffimuler, eile agiroit même contre vous, & vous feroit un tort infini dans l'efprit du Public, tout le monde ne lit pas au fond de votre cœur, & ne connoît point votre innocence comme moi. Je sçai qu'il n'y a rien de contraire à la vertu dans vos fentimens pour le Comte; mais l'efprit humain eft fi porté à la cenfure, que pour une perfonne qui penfe équitablement, il y en a cent qui font charmées de trouver un mauvais côté aux actions les plus pures, foit pour exercer leurs humeurs fatyriques, foit par envie, ou dans la vûë de plaire & de rendre leurs converfations plus amu. fantes, dautant que la plupart

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des gens ne les trouvent agréa bles que quand elles font affaifonnées du fel de la médifance. Tâchez donc, ma chere Soeur, continua Mademoiselle d'Aleyrac, de vous mettre en état de paroître, lorsque la compagnie fera revenuë du premier éton. nement que lui caufe l'avanture du Marquis. Ah! ma Sœur,interrompit Mademoiselle de la Charce, qu'eft devenu le Comte où eft-il que fait-il ? penfe t'il à moi ? helas s'il y avoit bien penfé, il m'auroit donné quelques fignes de vie ; peut-être eft-il bleffé & hors d'état de m'apprendre de fes nouvelles Ne vous mettez point tant de chimeres dans la tête, reprit Mademoiselle d'Aleyrac, il eft en bonne fanté, puifqu'il eft parti en poste, & je ne doute point qu'il ne vous écrive dès qu'il fera en sûreté, ne devez-vous pas

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!

approuver les ménagemens ? il
fe conferve pour vous; ne don-
nez donc point d'atteinte à votre
réputation par égards pour lui;
fi votre interêt ne vous touche
pas, fongez qu'il y prend toute
la part qu'un homme qui aime
paffionnément, & qui n'a que des
deffeins legitimes, doit prendre
à une perfonne avec laquelle il
fouhaite de s'unir pour toujours.
Que de flatteufes idées vous me
donnez, ma chere Sœur, inter-
rompit Mademoiselle de la Char-
ce, ce font les feules capables
de calmer un peu mon ame; je
crois même que je trouverois
quelques douceurs, fi
par votre
moyen je pouvois parler à fon
Ecuyer; comme il n'a jamais
paru dans cette maison, il n'y
fera point connu. Hé bien, re-
prit Mademoiselle d'Aleyrac
tranquilifez vous, je tâcherai de
vous donner cette fatisfaction

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en attendant, il faut rejoindre la compagnie, & dissimuler l'agitation où vous êtes. Il fut plus facile à cacher ces mouvemens que ces belles personnes ne le croyoient, tout le monde étoit fi occupé à raifonner fur l'affaire du jour, que l'on ne fit aucune attention à Mademoiselle de la Charce; la querelle du jeu avoit été pouffée avec tant de vivacité, que l'on ne s'avifa pas de chercher un autre sujet à l'animofité du Comte, une partie de la compagnie ignoroit qu'il y eût eu une lettre anonyme, & que le Marquis en fût l'auteur. Sa parente & lui qui l'avoient compo fée, ne fçavoient pas que le Comte eût entendu leur converfation nocturne de Saint Germain fur ce fujet, non plus que les beaux projets que le Normand faifoit pour bannir entierement le Comte de leur focieté, & se rendre

maître de la deftinée de Made. moiselle de la Charce; ainfi les perfonnes les plus intereffées ne pouvoient attribuer qu'au jeu ce qui partoit pourtant d'une cause bien differente.

On avertit promptement les amis & les parens du Marquis, afin de prendre les précautions neceffaires, pour tourner la chofe de maniere qu'elle ne pût dé. plaire au Roi, & qu'elle ne dérangea point fa fortune

Mademoiselle de la Charce paffa une nuit auffi terrible que la journée l'avoit été, depuis l'arrivée du Marquis, elle fouhaitoit toujours d'être feule avec fa Sœur, qui continuoit de lui dire tout ce qu'elle imaginoit de plus confolant. Le matin, pendant que Mademoiselle d'Aleyrac étoit à fa toilette, un laquais vint lui dire qu'il y avoit un Payfan dans l'anti-chambre qui lui

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