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apportoit le petit chien qu'elle avoit marchandé il y a quelques jours à la porte de la Comedie : moi, interrompit Mademoiselle d'Aleyrac, je n'ai point marchandé de chien. Le Payfan qui s'étoit approché de la porte de la chambre avança la tête & lui dit, vous l'avez donc oublié Mademoiselle; il est eft pourtant bien joli & vous amufera beaucoup; car il fçait faire cent chofes & n'eft pas cher par rapport à fes gentilleffes, en même tems cet homme entra fans en demander d'autre permiffion. Mademoiselle de la Chrarce rêvoit profondément, & ne faisoit nulle attention à tout ce qui fe paffoit : Mademoiselle d'Aleyrac ne fça. voit ce que vouloit dire le Marchand de chien, elle ne fe fou venoit point de ce qu'il lui vou. loit perfuader; elle careffa le petit chien, qu'elle trouya fort à

fon gré, quoiqu'il fût très-beau, le prix que l'on lui faifoit étoit fi modique, qu'elle fut charmée de l'acheter. Le Marchand ajoûta que le pauvre animal n'avoit pas mangé de la journée, & qu'il feroit bien plus guai ì on lui donnoit quelque chofe tout à l'heure; il fit ce difcours dans le deffein d'éloigner des témoins qui l'importunoient; la chofe réuffit puifqu'elle ordonna aux domeftiques qui étoient presens d'aller chercher de la nourriture pour le petit chien. Si-tôt que l'homme fe vit en liberté d'approcher de Mademoiselle d'A leyrac, il lui mit un papier dans la main, en lui difant voilà le plus important de ma commiffion, & le prix du chien, qui eft à vous moyennant une réponse que je vous demande. L'étonne. ment de Mademoiselle d'Aleyrac fut extrême, elle ne fçavoit

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fi elle devoit recevoir ce qu'on lui préfentoit. Le meflager ajoû ta, ne perdez point de tems Mademoiselle, il est précieux pour ceux qui attendent avec impatience: ces paroles, qui ne fentoient plus le Payfan,`donnerent quelques foupçons de la verité à Mademoiselle d'Aleyrac, elle déploya le papier & y lut ce qui fuit.

» Vous m'avez promis votre » protection, Mademoiselle "voici l'occafion où j'en ai le plus de befoin & la plus ef» fentielle de ma vie; vous n'i. »gnorez pas ce qui s'est paffé; » je devrois trembler pour les pé »rils qui me menacent, & je ne » fuis fenfible qu'à l'absence de » la perfonne que j'adore ; aidez» moi, je vous fupplie, à trouver » les moyens de lui renouveller » les affurances de la plus vio. » lente & de la plus fidelle paf

» fion qui fut & qui fera jamais: » prenez confiance à ce porteur, » il m'apprendra de quelle ma»niere je pourrai m'introduire. jufqu'auprès de vous.

Mademoiselle d'Aleyrac tira fa Sœur de l'accablement où elle étoit, en lui montrant le billet qu'elle venoit de lire. Comment exprimer la furprise & la joye de cette tendre perfonne ? Ah ma Soeur, dit-elle, quel plaifir pour moi, fi je peux le voir encore une fois! mais par où s'y prendre pour y réuffir? dans l'état où font les affaires, il faudra de grandes précautions: vous fçavez que nous ne fortons jamais feules, ce ne peut donc être qu'hors d'ici; de quel déguisement pourra-t'il fe fervir? Enfin après avoir bien examiné, il fut conclu qu'il n'y en avoit point de meilleur que celui de femme. Mademoiselle d'Aleyrac étoit

encore en poffeffion de la clef du cabinet, elle dit au meffager, n'ayant pas affez de tems pour écrire, qu'il falloit, lorsqu'il fe. roit nuit, qu'il vînt demander la fervante qui lui étoit affectionnée; pour qu'il ne fe méprît point dans l'obscurité, elle lui apprit fon nom, & recommanda qu'il continuât à se donner pour la femme brouillée avec fon mari, qui venoit rendre compte à fon amie Mademoiselle d'Aleyrac de tous les malheurs ; qu'elle auroit foin pendant la journée de prévenir cette fervante, afin qu'elle fe tînt fur les avenuës à l'heure marquée, que de cette façon elle étoit perfuadée qu'il n'y auroit rien à craindre. Le Comte ne cherchoit pas tant de sûreté, il fe feroit expofé à toute forte de péril pour voir Mademoiselle de la Charce, fi on n'avoit pas fongé pour lui à les

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