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mieux aimer que qui que ce foit au monde; on m'offriroit des Monarques, que je me confer verai pour mon cher Comte, lui dit-elle en lui tendant une de fes mains, qu'il baifa tendre. ment; je prefferai, continua. t'elle, notre départ pour la Province, Paris n'a eu d'agrément pour moi que depuis que je vous connois, ainfi il va devenir un défert à mes yeux. Tous les Pays j'habiterai,répondit le Comte, ne feront pas plus gracieux aux miens, je ne compte pour adoucir mes peines que fur les nouvelles que je me flatte de recevoir fouvent de votre part, ainfi que je l'efpere. Enfuite ils se donnerent des adreffes sûres pour s'écrire régulierement par tout où il feroit, puis ils fe dirent encore tout ce que la tendreffe peut infpirer à deux peronnes qui font fort attachées

que

l'une à l'autre ; ils fe feroient facilement oubliez dans cette dou ce occupation, fi Mademoiselle d'Aleyrac ne les avoit avertis que le jour paroîtroit bientôt, & qu'il ne falloit pas expofer le Comte à être vu de quelques domestiques du .Marquis, qui étoient une partie de la nuit fur pied pour le fervice de leur maître; ce difcours fit fentir à Ma. demoiselle de la Charce toute la douleur qui accompagne une féparation auffi trifte, malgré la fermeté dont elle croyoit s'être armée, elle ne pût retenir un torrent de larmes qui fortit en abondance; le Comte donna auffi des marques de fenfibilité, que des gens indifferens nommeroient foibleffes,mais que ceux qui fçavent aimer approuveront. Il est plus aifé d'imaginer que d'expliquer ce qu'ils penferent en fe difant le dernier adieu

Mademoiselle de la Charce resta entre les bras de fa Sœur dans un état très-embaraffant pour la derniere, qui n'ofoit pas demander du fecours, de crainte que l'on ne découvrît le motif de l'incommodité de Mademoi. felle de la Charce; enfin elle fit fi bien, qu'elle parvint à la mettre au lit, & s'y plaça avec elle, pour lui dire tout ce qu'elle crut capable de calmer fon affliction; mais dans ce premier mouvement elle n'écoutoit que fa douleur. Le Comte étoit auffi touché qu'elle, il se rendit à l'en. droit où il avoit laiffé fon Valet de chambre, le désespoir peint fur le vifage, il ne fongeoit pas même aux précautions qu'il étoit obligé de prendre, & oublioit qu'il étoit vêtu en femme, fi ce fidele domeftique ne l'avoit averti qu'il falloit remettre les habits de Paysans, jusqu'à ce qu'ils se

trouvaffent en lieu à reprendre ceux qui leurs convenoient, aufsi bien que des chevaux de poste; le Comte se laiffa conduire par cet homme fans proferer une feule parole, il étoit fi occupé de fon affliction, qu'il ne pouvoit penfer à autre chofe; il poursuivit fa route de la même façon, jufqu'au premier endroit quin'étoit plus fous la domination du Roi, où il s'arrêta pour attendre fon équipage, ne voulant pas arriver à Vienne differem. ment de ce qu'il en étoit parti; il eut la fatisfaction de trouver une lettre de Mademoiselle de la Charce, fi tendre & fi obligeante, qu'elle adoucit beaucoup l'aigreur du déplaifir qu'il fentoit de l'avoir quittée.

Venons à cette belle fille. Mademoiselle d'Aleyrac fe donnoit toutes les peines imaginables pour la confoler, fans en pouvoir

!

venir à bout. Vous me dites, in terrompit l'aînée, les meilleures raifons que l'on puiffe alléguer; mais, ma chere Soeur, vous ig norez le défespoir que caufe une féparation telle que celle du Comte & de moi, je ne le verrai plus, ah quelle affreuse idée, peut-elle fe prefenter à mon imagination fans me faire mourir? les plus beaux jours feront de fombres nuits pour moi, tout ce qui fe prefentera à mes yeux me deviendra infupportable; que ne m'eft-il permis de vivre dans une folitude, jufqu'à ce que je puisse vivre avec lui? Tâchez de vous ôter toutes ces pensées de l'efprit, interrompit Mademoiselle d'Aleyrac, je fçai bien que vo tre douleur est jufte, mais il ne vous eft point permis de la montrer; nous ne fommes pas au monde pour nous feules, nous devons nous attacher à meriter

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