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premiere fois. La Normande étoit aigrie contre Mademoiselle de la Charce, on ne pardonne point à une rivale préferée; fi elle lui avoit vû moins d'éloignement pour le Marquis, elle n'au roit pas en tant d'empreffement à lui procurer un joug qu'elle fçavoit bien qui ne lui feroit pas agréable; ainfi elle profita de l'occafion pour dire au Pere, qu'il ne devoit point tant écouter les caprices de fa Fille, lorfqu'il s'agiffoit d'un bon établissement que fes dégoûts pour celui que l'on lui offroit avoient une cause blamable, puifque leur origine venoit de l'entêtement que le Comte de Caprara lui avoit infpiré, que la part qu'elle prenoit à ce qui le regardoit, l'obligeoit de lui dire que fa complaifance pour elle étoit mal placée, puif. qu'il l'autorifoit dans les chimeres qu'elle fe formoit, pour

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un homme qu'elle ne reverroit jamais. Monfieur de la Charce, qui n'étoit pas d'une humeur docile, trouva ces remontrances trop vives, & peu convenables de la part de la Veuve, il eut même dans ce moment des foup. çons de la verité de tout ce qui s'étoit paffé, ainfi il lui dit avec un air fec, qu'il lui étoit rede vable de l'intérêt qu'elle prenoit à fa Famille, que jufqu'ici il l'a voit bien gouvernée fans le confeil de perfonne, qu'il la prioit de garder les avis pour gens qui en auroient plus de befoin que lui, qu'il étoit bien aise de ramener fa Fille chez lui, & qu'il n'en étoit point embaraffé, il prononça ces paroles d'un ton qui ne permit pas à Madame de Clairville de repliquer, & même ils vêcurent enfemble plus froidement le peu de tems qu'ils refte

rent à Paris qu'ils n'avoient fait

devant. Monfieur de la Charce & toute fa fuite prirent la route de Dauphiné, fans peine & fans chagrin, il n'y eut que Mademoifelle d'Aleyrac qui regrettoit les gens d'efprit qu'elle y avoit connu : on lui promit de lui envoyer tous les Ouvrages qui fe compoferoient dignes d'elle. Mademoiselle de la Charce reçut plufieurs lettres du Comte avant que de partir, dont elle eut lieu d'être contente,il peignoit fa paffion avec des couleurs fi vives & fi durables, qu'elle ne pouvoit prefque plus douter du bonheur dont elle fe flattoit. Ils furent accablez de visites après être arrivez dans leur Château; Mademoiselle de la Charce étoit toujours polie, mais sérieuse, l'idée du Comte l'occupoit entie

rement.

Le Marquis de Crefmieux, qui étoit encore au fervice des Ve

nitiens, apprit leur retour par fon ami; il aimoit Mademoiselle de la Charce avec la même violence, rien n'avoit été capable de diminuer fon amour; il pria fon ami de lui parler en fa faveur, mais d'une maniere qui ne pût pas lui déplaire; il souhai toit qu'il l'aflurât que l'absence qui détruit fouvent les paffions, n'avoit fervi qu'à donner plus de force à celle qu'il fentoit pour elle, auffi-bien qu'à fon refpect & à fa foumiffion à fes ordres ; que fi fon éloignement pour le rendre heureux continuoit, il en recevroit la nouvelle avec douleur, & en même tems avec la déference qu'il auroit toute fa vie fes volontez: il recompour mandoit à son ami de ne parler de rien à Monfieur de la Charce, à moins que Mademoiselle de la Charce ne lui permît, ne voulant faire aucune démarche qui

pro

pût lui caufer du chagrin, ni renouveller ceux de fon Pere contre elle l'ami s'acquitta fort bien de fa commiffion. Mademoifelle de la Charce trouva tant d'égards pour elle dans le cedé du Marquis de Crefmieux, qu'elle en témoigna fa reconnoiffance à celui qui lui parloit; elle l'affura qu'il devoit compter fur fon eftime, & même fur fon amitié, qu'elle le prioit d'en être fatisfait, & de ne fonger à nulles autres chofes, puifque je fuis, continua-t'ellé, dans les mêmes fentimens où il m'a vûë, & s'il y a quelques changemens, ce n'eft qu'une augmentation de dégoût pour ce qu'il defire, fans que fa perfonne y ait aucune part, je fais le cas que je dois de fon merite, je conviens de mon tort, mais il m'eft impoffible de le furmonter ; elle ajoûta plufieurs chofes obligeantes pour le Mar.

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