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mée de vous voir heureuse. Ce n'est pas par le moyen que vous imaginez, reprit Mademoiselle d'Aleyrac, que je puis la devenir, depuis que je me connois je me fuis fentie de l'éloigne ment pour le mariage; vous n'ignorez pas le goût que j'ai pour les fciences, il ne s'accorde pas avec les embarras que causent les foins d'une maison; je ne me fuis point preffée de m'expliquer, parce que vous deviez me devancer, mais il faut répondre à ce que vous me dites je vous rends graces de votre bonne vo, lonté, & vous affure que fi vous perseverez dans la même averfion pour les hommes en général, il n'y aura que la mort qui nous féparera. Je ne combattrai point, interrompit Mademoiselle de la Charce, un deffein que je trouve raisonnable Vous avez trop de merite pour être la proye

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d'un fexe qui n'eft petri que d'ingratitude & de trahifon. Cette converfation dura encore très long-tems, & recommençoit toutes les fois que les deux fœurs étoient en liberté, Mademoiselle de la Charce ne pouvoit fe laffer de faire des plaintes contre la cruauté de fa destinée, & Mademoiselle d'Aleyrac mettoit toute fon éloquence en ufage pour la confoler.

Malgré la vive pallion que le Comte fentoit pour la jeune Comteffe, il ne pût s'empêcher d'être touché, lorfqu'il reçut la réponse de Mademoiselle de la Charce; il l'avoit aimée veritablement, & confervoit pour elle une estime qui lui faifoit defirer de n'en être ni oublié ni haï, il auroit voulu menager un com merce d'amitié avec elle; il lui écrivit plufieurs fois,& emploïoit tous les termes qu'il croyoit ca.

pour ne

pables de l'adoucir, mais c'étoit inutilement à mesure qu'elle recevoit de fes lettres, elle donnoit des preuves de fon courage, puifqu'elle en avoit affez les point ouvrir, & afin qu'il ne la foupçonnât pas de foibleffe, elle remettoit une envelope, & lui renvoyoit dans le même état qu'elles parvenoient jufqu'à elle. Il n'ignoroit pas qu'il meritoit le traitement qu'elle lui faifoit, mais il fe flattoit que ce premier dépit pourroit finir, il crut même qu'il étoit obligé de foûtenir la chofe plus long-tems, & que fa perfeverance la convaincroit de la violence qu'il vouloit lui' perfuader que l'on lui avoit faite, en le contraignant de le donner à une autre pour cet effet voyant qu'elle s'obstinoit à ne point lire fes lettres, il réfolut d'en faire porter une par le Valet de chambre à qui il fe con

fioit, le même qui avoit porté le petit chien à l'Hôtel de Tours après qu'il le fut battu avec le Marquis de Parville : jusques là, cet homme n'avoit eû que des foupçons de l'attachement de fon Maître pour Mademoiselle de la Charce, mais en cette occafion il fut obligé d'inftruire fon commiffionnaire, & de lui apprendre ce que fa difcrétion lui avoit fait taire avant cet évenement, il lui dit donc qu'il étoit question d'aller en Dauphiné, & de trouver moyen, à la faveur de quelques déguifemens qu'il imagineroit pendant le chemin, de rendre en main propre à Mademoiselle de la Charce la lettre qu'il lui donna, de tâcher d'en avoir réponse; qu'afin que fon absence ne parut point extraordinaire, il falloit qu'il lui demandât en public la permiffion d'aller voir un de fes

parens qui étoit malade. Ce fi. dele domeftique executa regu lierement les ordres de fon Maî, tre, il partit & se rendit dans la Ville la plus voisine du Château où Madame de la Charce faifoit fon fejour, il acheta un habit d'Hermite, & alla roder fous cette figure autour de la maison, jufqu'à ce qu'il pût rencontrer Mademoiselle de la Charce, lorfqu'elle alloit à la promenade; il ne tarda pas beaucoup, il la vit paroître avec la four, elle avoit un air fi trifte, qu'il ne put lui refufer un peu de compaffion; il s'approcha d'elle, & lui dit d'un ton auffi humble que le perfonnage qu'il reprefentoit le demandoit, qu'il la fupplioit de lui faire quelques charitez, que pour lui prouver fes befoins & la fincerité de ses paroles, il fouhai. toit qu'elle voulût prendre la peine de lire les atteftations dont

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