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felle de la Charce, où il y avoit plus de hauteur que de tendreffe, qu'il ne devoit pas efperer de place dans fon fouvenir, ou du moins que le dépit lui empêcheroit de lui en donner jamais aucune preuve, fon cœur ne prenoit plus fon parti avec la même vivacité, ainfi il fe crut obligé de lui obéir, & de refter dans le filence qu'elle lui impofoit, s'imaginant avoir rempli tous les devoirs d'honnête homme & d'Amant, dépendant d'un Souverain & d'un Pere abfolu; il conferva pour elle une tendre eftime, dont il auroit fouhaité d'être à portée de lui donner des marques par quelques fervices effentiels. Plufieurs années fe pafferent de cette façon par rapport au Comte.

Mademoiselle de la Charce n'étoit pas fi tranquille, elle ne pouvoit bannir de fon cœur l'i

dée du perfide qui avoit fçû lui plaire, elle menoit la vie du monde la plus trifte & la plus folitaire. Madame de la Charce, qui ignoroit les fentimens de fille, attribua dans les commencemens fa mélancolie à la perte de fon Pere, elle étoit charmée de lui trouver un fi bon naturel; mais voyant que le tems ne la diminuoit point, elle craignit que la retraite où elle vivoit ne contractât en elle une humeur noire, dont elle ne fe tireroit pas quand elle voudroit; ainfi elle fe crut obligée de lui proposer d'aller demeurer à Ġrenoble, ou dans quelque autre Ville de leur Province qui con- : viendroit le mieux. Mademoifelle de la Charce lui répondit, qu'à moins que cette pensée ne lui fût venue pour fa propre tisfaction, elle la fupplioit de n'y pas fonger, qu'elle trouvoit

fa

beaucoup plus de douceur & d'innocence aux amusemens de la Campagne qu'à ceux des Vil. les, où il faut être dans une contrainte perpetuelle, que même elle fe fentoit du goût pour la chaffe, que fi elle le trouvoit bon, elle iroit quelquefois. Mademoiselle de la Charce imagina de s'adonner à cet exercice dans la vûë de fe procurer beaucoup de journée libre, où elle pourroit rêver fans contrainte à fes infortunes. Je n'ai, répondit Madame de la Charce, aucune part à la propofition que je vous ai faite d'aller dans une Ville,

voudrois feulement tâcher de

diffiper cette fombre tristesse dont il me paroît que vous êtes accablée, j'ai cru que la focieté du monde pourroit en venir à bout; pour moi je n'ai plus rien à defirer, après la perte que j'ai fai te, que la fin d'une vie tranquille

au milieu de ma famille, ne m'étant plus permis de compter fur aucune joye, que celle de la terminer avec vous; puifque vous vous plailez à la Campagne, demeurons-y, je ferai bien aife que vous y trouviez des occupa tions qui faffent couler les jours avec douceurs, c'eft ce que ren. contre rarement les gens qui ne s'attachent qu'au faux brillant du monde, vous l'avez affez vô à Paris, & que ce que l'on nomme plaisirs, laisse un vuide dans l'ame qui nous apprend qu'ils n'ont rien de folide. Mademoi. felle de la Charce fut très-con. tente de la réfolution de fa Mere; elle haïffoit le genre humain, parce qu'elle en aimoit trop une partie; elle ne pouvoit évaporer fon chagrin fur cet article, que lorfqu'elle étoit feule avec Mademoifelle d'Aleyrac. Quoiqu'elle eût fait une deffense expresse au

Comte de ne s'informer jamais de ce qui la regardoit; elle ne pouvoit fouffrir qu'il lui obéît fi régulierement ; elle fçavoit bien qu'elle n'avoit plus rien à efperer de fa part, & que fa gloire ne lui permettoit pas d'a voir nul commerce avec lui; ce n'étoit pas auffi fon intention : cependant la bizarerie de l'amour lui faifoit trouver mauvais ce qu'il faifoit & ce qu'il ne faifoit point; l'ingrat, difoit-elle, je l'ai fervi à fon gré, lorsque je lui ai ordonné de ne pas penfer davantage à moi; il m'oublie fans peine, & ne fait plus la moindre démarche pour appren dre de mes nouvelles ; il étoit indigne de toucher un cœur comme le mien, il y a des momens où je fouhaite de le voir encore une fois, ne croyez pas, dit elle à Mademoiselle d'Aleyrac, que ce foit par foibleffe,

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