qui augmenta jufques dans l'antichambre de Madame de la Charce, qui fut surprise des cris étonnans que pouffoient les gens qui étoient entrez; elle s'avança pour en demander la cause. Cette troupe effrayée lui dit, parlant tous enfemble: Ah, Madame, tout eft perdu une partie de l'armée des ennemis paroît, & prend le chemin d'un défilé qu'ils lui nommerent, le. quel étoit affez près pour crain dre s'ils le paffoient qu'ils ne fuffent maîtres du pays, mais encore plutôt jufques dans fa maifon. Madame de la Charce étoit fi troublée, qu'elle ne prit pas garde aux actions de Mademoitelle de la Charce; celle-ci s'imagina que c'étoit peut-être le Comte qui conduifoit ce détachement, ou au moins quel qu'un qui pourroit lui dire de quoi elle étoit capable. Dans

cette vûë & animée de ses dis vers fentimens d'amour, de vengeance & de gloire, le cheval qui devoit la porter à la chaffe fut employé à la mener où on lui dit que les gens de guerre paroiffoient. Elle fe munit de deux piftolets & d'un fabre, & fe fit accompagner par tous ceux qui fe trouverent dans la maifon; elle partit à leur tête avec une intrépidité fort au- deffus de fon fexe; il eft vrai qu'elle étoit animée par une paffion qui produit fouvent des effets fi extraordinaires, que l'on auroit peine à les concevoir avant que d'en faire l'expérience ; elle alla droit au défilé dont on avoit parlé ; elle fut affez prudente pour juger qu'il falloit qu'elle s'en rendît maîtreffe avant que les ennemis puffent s'en emparer, comptant que l'entrée en étant étroite, elle pourroit la

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deffendre plus aisément avec très-peu de monde, contre un grand nombre, que fi elle reftoit dans un pays découvert, fa troupe feroit bien-tôt envelop pée; l'efperance qu'elle avoit de rencontrer le Comte, de faire parler d'elle d'une maniere fi avantageufe, qu'il ne pût lui refuser fon admiration, après une démarche fi peu com. mune & fi heroïque pour une fille, cette penfée, dis je, avoit rendu à fon teint & à fes yeux l'éclat & la vivacité que plu fieurs années & beaucoup de chagrin avoient un peu effacez, elle fe trouva donc au bout du défilé, lorfque les ennemis en approchoient; elle les attendit avec fermeté ; ils avançoient à grands pas à peine eut-elle promené les regards fur cette troupe, qu'elle reconnut fon infidele en la perfonne du Commandant;

il eft aifé de fe figurer quelle fut la joye qu'elle reffentit. Le Comte s'étoit flatté d'entrer dans le Dauphiné par cet en. droit; l'action auroit été brillante pour fa gloire, & d'une grande utilité à son parti. Animé de ces vûës, il encourageoit fes gens par fon exemple & par fes paroles, en leur difant qu'ils avoient là une occasion de prouver leur zele à leur Souverain, que ce paffage étoit d'une grande conféquence pour pouffer leurs conquêtes bien avant dans le Royaume. En finiffant ces paroles, il tira fon fabre pour fe frayer le chemin. Il étoit fi occupé de fon deffein, qu'il ne s'attacha pas à regarder ceux qu'il alloit attaquer, & qui paroif foient vouloir défendre l'entrée du défilé, lorfque Mademoiselle de la Charce fe montra en criant, acheve, perfide pour venir à

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bout de tes heroïques entreprises, perce ce malheureux cœur, il ne merite pas un meilleur traitement, puifqu'il conferve malgré la raifon & l'équité une ima ge qu'il doit détefter. Le Comte fut frappé comme d'un coup de foudre, lorfqu'il entendit ce fon de voix qui lui avoit été si cher fes yeux eurent bientôt éclaircis les foupçons de fon cœur, non feulement fon fabre tomba de fa main, mais lui-même chancela de telle forte fur fon cheval, qu'il fut obligé de mettre pieds à terre, & entraîné par fon inclination, il fe trouva aux genoux de Mademoiselle de la Charce, elle ne put retenir un mouvement de joye que cette efpece de triomphe lui caufoit ce n'est point affez, lui dit-elle, de m'avoir trahie indignement, d'avoir manqué à toutes les pa role que vous m'aviez données

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