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il y en auroit, il ne me convient pas de paroître fenfible pour une chofe qui fembleroit bleffer mon devoir; je dois apprehender ce que je defire en fecret, jugez par ces contradictions de la fituation de mon efprit, & avouez que mon étoile eft bien affreufe, je me trouve une répugnance invincible pour toutes fortes d'engage mens, quand on veut m'en procurer un fortable; je m'expose à l'indignation de mon pere, je chagrine toute ma famille, pour conferver mon indifference que je croiois à l'épreuve de ce qu'il y avoit de plus charmant, & elle vient échouer ici pour un hom me, lequel fans doute pense très peu à moi. S'il vous connoît, dit Mademoiselle d'Aleyrac, il vous rend plus de justice que vous ne vous imaginez; mais quel est cet heureux vainqueur de tout ce que je vois ? celui que j'en trouve le

plus digne, c'eft le Comte de Caprara;vous ne répondez point. L'aveu eft fâcheux pour une perfonne comme moi, reprit Mademoiselle de la Charce. Il eft vrai, c'est le vainqueur; mais retranchez la premiere épithete, elle ne lui convient pas, je crois que la conquête de mon cœur ne paffera point dans fon efprit pour un bonheur, je me figure que celui de Madame de Clairville lui paroîtroit plus agréable. Quoi! ma foeur, interrompit Mademoiselle d'Aleyrac, à peine fentez-vous les prémices de l'amour, que vous en connoiffez les maux les plus cuifans, puifque la jaloufie eft celui qui tirannise avec le plus d'empire, il faut que vous ayez mauvaise opinion du goût de votre amant, fi vous croiez qu'il foit capable de vous préfe. rer Madame de Clairville; re. marquez-vous les airs affectés,

tous les mouvemens & toutes les grimaces, dont elle accompagne les difcours évaporés qu'elle tient, qui font plus propres à étourdir qu'à amuser: file Comte avoit la foibleffe de fe laiffer toucher au faux brillant de cette veuve, il ne meriteroit pas un moment de votre attention; mais fi vous voulez bien que je m'explique, je vous dirai que j'ai examiné l'un & l'autre en perfonne défintereffée, il m'a paru que la Dame avoit un deffein violent de plaire, que le Cavalier ne cherchoit point à pénétrer fes fentimens, & que lorfqu'il attachoit ses regards fur vous, ce qui lui arrive très fouvent, c'eft d'une maniere fi tendre, que je crois Made de Clairville plus à plaindre que vous. Je vois bien que vous fongez à me flater, interrompit Mademoiselle de la Charce ;mais ma fœur, ne vous y prenez pas

de cette façon, vous voulez me perfuader que le Comte m'aime, je voudrois le trouver indifferent à mon égard, pourvû qu'il le fût pour toute la terre, je ne demande pas qu'il s'attache à moi, fon amour donneroit trop de force au mien, je fuis au defespoir de l'état où mon cœur eft réduit, je le croiois invulnerable, je ne voudrois travailler qu'à diffiper le poifon qui s'y eft gliffé, je hai ma foibleffe, je me hai moi même, & je ne fçai fi je ne hai point le Comte de ce qu'il m'a paru trop aimable. Qu'eft devenue ma fierté naturelle, elle m'abandonne au befoin? je ne me connois plus. Trouvez-vous extraordinaire, après tout ce que je vous dis, que je regrette les montagnes de Dauphiné? Elles eurent encore plufieurs difcours semblables fur ce fujet qui n'aboutiffoit qu'à prouver le chagrin où étoit Ma.

demoiselle de la Charce d'avoir mal défendu fon cœur.

Le Comte venoit régulierement tous les jours, il n'étoit pas moins agité que Mademoiselle de la Charce, mais c'étoit d'une maniere differente; il s'applaudiffoit de l'heureux choix de fon cœur, l'objet qui avoit fait naître fon amour lui paroiffoir digne de fes foins, il ne manquoit à fon bonheur que la liberté de déclarér fa paffion, & de pou voir découvrir l'effet qu'elle produiroit fur le coeur de Made. moiselle de la Charce. Madame de Clairville qui ne les quittoit point, étoit un obftacle difficile à furmonter: le Comte s'imagina qu'il feroit bien de l'occuper de quelques façons, afin de trou. ver moyen d'entretenir, quand l'occafion s'en préfenteroit, Mademoiselle de la Charfe, la veuve avoit des manieres trop coquet

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