ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

digne de leur naissance, & du beau naturel dont on voioit déja des preuves, elle crut qu'il faloit y joindre les inftructions d'un Convent; elle choifit la fameufe Abbayïe de Mont-Fleury près de Grenoble. Ces deux jeunes perfonnes y firent l'admiration de toute la maison: plufieurs Dames touchées de leur mérite, fouhaiterent que leurs freres ou leurs neveux fuffent affez heureux pour plaire à ces aimables filles. Ma. dame de la Charce s'étant apperçue du deffein de ces Dames par la foule des jeunes hommes qui étoient tous les jours à MontFleury, les retira cinq ans après les Y avoir mifes. Il y en eut beaucoup qui voulurent tenter de continuer leurs vifites dans la Terre où Madame de la Charce faifoit fon fejour avec fa famille; mais ni la mere, ni les filles ne furent d'humeur à recevoir ceux

qui venoient fur le pied d'Amans, quoiqu'aucun n'euffe ofé concevoir d'autres fentimens que ceux qu'infpiroit deflors la vertu dont ces jeunes personnes faifoient déja profeffion. On voioit bien qu'elles cherchoient à mériter l'eftime du public; mais elles ne demandoient point d'amour, le moment de fenfibilité n'étoit pas arrivé pour Mademoiselle de la Charce, comme on verra par la fuite. Une partie des foupirans fe dégouta de l'air froid & serieux avec lequel la mere & les filles les recevoient, quoiqu'elles ne manquaffent à aucunes des re. gles de la politeffe. Il n'y eut que le Marquis de Cremieux qui s'étoit laiffè aller au penchant qu'il fentoit pour Mademoiselle de la Charce, flaté par les efpérances que fa tante Madame de Rivieux, Dame de Mont Fleury, lui avoit données de lui aider à

gagner le cœur de Mademoiselle de la Charce. Cette Dame avoit eu ses vûes, fitôt qu'elle avoit connu le mérite de cette char. mante perfonne ;quoiqu'elle fût extrémement jeune lorfqu'elle entra dans l'Abbayïe, & qu'elle en fût fortie à feize ans, elle ne laiffoit pas de paroître déja trèscapable de faire le honheur d'un honnête homme: c'eft ce qui engagea Madame de Rivieux à lier une étroite amitié avec elle, quoique la difference des âges fût confidérable; dans la pensée que fi le goût de Mademoiselle de la Charce n'étoit pas favorable à fon neveu, la tendreffe qu'elle auroit pour elle pût l'engager à aimer par complaifance, fi elle n'aimoit pas par inclination. Le jeune Cavalier étoit fait de maniere à ne pas craindre que fa perfonne dût rebuter: fa figure le pouvoit difputer à tout autre,

la naiffance & les biens conve. noient; on ne craignoit que l'éloignement que Mademoiselle de la Charce marquoit pour un engagement, parce qu'elle connoiffoit l'étendue de tous les devoirs qui le fuivent, & aufquels elle s'étoit fait une loi de ne rien retrancher lorfqu'elle feroit obli gée de s'y foumettre; ce qui lui perfuadoit de retarder autant qu'il lui feroit poffible; & fi elle en étoit la maîtreffe, de ne s'y embarquer jamais. Cependant le Marquis de Cremieux venoit fouvent leur rendre vifite; plus il voioit Mademoiselle de la Charce, & plus fon amour prenoit de force. La politique de la tante le conduifit plus loin que ni l'un ni l'autre ne l'avoit prévû ; il n'avoit pas encore ofé parler, mais fes yeux tâchoient de découvrir une partie de ce qu'il fentoit. Un jour que Mademoiselle de

la Charce & Mademoiselle d'Aleyrac étoient allées fe promener dans un petit Bois qui étoit auprès du Château, Mademoiselle d'Aleyrac voiant que fa fœur rêvoit profondément, lui demanda en fouriant fi c'étoit le Marquis de Crémieux qui l'occupoit, & qui la privoit du plaifir de fa converfation. Oui ma fœur, répon dit Mademoiselle de la Charce, c'eft lui-même : vous ferez fans doute furprise de cet aveu. Moi! interrompit Mademoiselle d'Aleyrac ; pourquoi la ferois-je ? Le Marquis peut bien être l'objet de votre rêverie, fans que perfonne puiffe blâmer votre choix, je vois peu de gens dans la Province plus dignes de vous, que ce jeune homme: ainfi je fuis perfuadée que votre goût ne trouveroit point de censeur; fi mon approbation étoit de quelque poids, je vous affurerois que je

« ÀÌÀü°è¼Ó »