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rieux de ce Seigneur s'accommo doit mieux de l'âge du pere & de la mere, que de la jeuneffe du refte de la compagnie, il leur fit d'amples récits des Campagnes où il s'étoit trouvé contre les Turcs & contre la France : cette matiere attiroit toute l'attention de Monfieur de la Char ce, le Comte de Velsbergt s'étoit fi bien emparé de Madame de Clairville, que quelques projets qu'elle eut fait de ne pas s'éloigner du Comte de Caprara il l'entraîna malgré toutes fes op pofitions où la vivacité le conduifoit, ainfi le Comte de Caprara fur aflez fortuné pour se trouver feul auprès de Mademoiselle de la Charce, pendant que Mademoiselle d'Aleyrac à quelque pas d'eux paroiffoit confiderer des fleurs & des jets d'eaux. Enfin Mademoiselle, dit le Comte, je trouve le moment que je de

fire depuis que j'ai l'honneur de vous avoir vûe, ils font fi rares pour moi ces bienheureux momens, que vous ne fçauriez fans injuftice defaprouver, que je me hatte d'en profiter, fi j'avois plus de tems, je commencerois par vous exagerer le parfait refpect que j'ai pour vous, mes manieres ont dû vous en convaincre, mais elles ne vous ont pas encore fait connoître l'extrême paffion que je fens & que je fentirai éternellement. A ces mots voiant que Mademoiselle de la Charce rougiffoit & vouloit retourner auprès de fa mere, il la retint malgré elle, en continuant de cette forte: Ne vous offenfez point, Mademoiselle, de l'aveu que je fuis contraint de vous faire par la violence de mon amour, je n'ignore pas que je devois y apporter plus de précaution; les occafions de vous entretenir font

i difficiles à rencontrer, que je n'ai pû resister à celle qui fe prefente, & que j'ai cherché avec tant de foin; j'ai fait parler mes yeux, les vôtres n'y ont point répondu, ou n'ont pas ou n'ont pas voulu paroître entendre leur langage. Que dois-je efperer ? que dois-je craindre le bonheur & le mal heur de ma vie dépendent entie rement de vous, inftruisez-moi de ma destinée, je vous en fupplie; je ferois à vos genoux pour vous demander cette grace, fi nous n'étions vûs de perfonne. Mademoiselle de la Charce étoit fi

interdite, que le Comte auroit pû parler encore longtems fans qu'elle eût la force de l'in terrompre ; cependant s'appercevant qu'il attendoit fa réponse, elle fit un effort, & lui dit: Vous vous imaginez peutêtre, Mon. fieur, comme font la plupart des jeunes gens, lefquels ficôt qu'ils

fe trouvent auprès d'nne perfonne de mon fexe, croient que l'on eft obligé de lui tenir des dif cours de galanterie ; s'il y en a de ce goût-là, ce n'eft point du tout le mien, ainfi vous pouvez tourner la converfation fur un autre fujet, celui-là m'eft inconnu, & je veux refter dans mon ignorance, contentons-nous de nous entretenir des beautés que ces lieux offrent à nos regards, ou laiffez-moi rejoindre ma mere. Elle prononça ces mots avec un air férieux & reservé, mais où il ne paroiffoit point de ces coleres affectées qui fe démentent fouvent dans le même quart d'heure. Je n'ai point l'opinion que vous vous figurez, répondit le Comte, de plus je connois la difference que l'on doit faire de vous aux perfonnes ordinaires de votre fexe, vous avez toutes les perfections que l'on lui attribuë,

mais vous n'en avez ni les dé fauts, ni les foibleffes; mon cœur a été mis à plufieurs épreuves, je ne vous cacherai point que nombres de Dames ont effayé de vaincre fon indifference fans y parvenir, il étoit refervé pour vous; j'ai cru les premiers jours, malgré le penchant où je me fentois entraîné, que je pourrois en devenir le maître, mais, Mademoiselle, plus j'ai l'honneur de vous voir, plus mon amour augmente, il est à présent foutenu par l'eftime que ceux qui vous connoiffent ne fçauroient vous refuter; fi vous pouviez pénétrer dans mon ame, vous découvririez que ma paffion eft digne de vous, & ne m'inspire aucun fentiment qui doive allarmer la vertu la plus auftere: je borne tous mes defirs à celui de ne vous être pas indifferent. M'eft - il permis de me flatter de ce bonheur ? il n'y

a

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