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a rien au monde que je ne faffe pour le mériter, vous êtes maî treffe de mon fort, ma foumisfion à vos volontés, ma foiblefse, & mon respect ne pourront-ils toucher votre cœur de grace ne me laiffez pas plus longtems dans la cruelle incertitude que votre filence me cause. Je ne sçaurois m'empêcher, reprit Mademoiselle de la Charce, contrainte par fon inclination, de fentir toute la reconnoiffance que méritent les fentimens que vous voulez me perfuader que vous avez pour moi, j'aurois dû peutêtre vous marquer du dépit de me les avoir declarés fi librement, mais je ne connois point ces détours, je fais cas de ce qui en vaut la peine, & s'ils font tels que vous me les dépeignez, les miens leur rendront juftice, autant que mon devoir n'en fera point bleffé. Non, Mademoiselle, repartit le

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Comte, je fais trop de cas de la vertu qui brille en vous, pour porter mes defirs à aucune penfée qui la puiffe offenfer: fi ma destinée dépendoit de moi feul, dès aujourd'hui avec votre approbation, j'aurois recours au credit de Monfieur votre Pere pour me rendre le plus fortuné de tous les hommes: mais j'en ai un qui ignore ce que vous valez, il me faudra du tems pour l'en inftruire, cependant foiez fûre que toute fon autorité ne fera pas capable de me faire changer de deffein. Après cela, Mademoifelle, me refuferez-vous la per. miffion non pas de vous aimer car quelque abfolue que vous foiez fur mon cœur, il n'eft point en votre pouvoir de m'en empêcher, mais de vous en renouveller le fouvenir toutes les fois que j'en aurai l'occasion, pour rendre mon bonheur complet ?

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Permettez-moi de croire que je ne vous fuis pas auffi indifferent que le reste du monde ; & fi j'ofois, je vous prierois de me lais fer flater que je fuis plus heureux que vous ne me le dites. Vous de mandez trop de chofes ensemble, interrompit Mademoiselle de la Charce avec plus de douceur qu'elle n'en avoit marqué jufquela,n'eft-ce point affez de vous laiffer parler, de vous écouter fans chagrin, de ne vous point impofer filence pour l'avenir ? du furplus, laiffez-moi la maîtresse de mes fecrets, fans être diffimulée. Je n'ai jamais aimé à faire des confidences, continua-t-elle en foûriant,on pénetre mes pensées, fi on veut s'en donner la peine; mais c'en feroit une grande pour moi, fi j'étois obligée de les dé. couvrir. Ah! Mademoiselle, c'est tout ce que je fouhaite, puifque vous me permettez d'expliquer

que

vos fentimens ; je vous avertis que je les tournerai, à mon avantage. Prenez garde, dit-elle, d'avoir trop de présomption. J'aurai lieu,repartit le Comte, d'en avoir plus que perfonne, fi ma fortune eft telle que j'ofe m'en flater. Dans ce moment les dou. ceurs que goûtoit le Comte par cette conversation, auffi- bien Mademoiselle de la Charce qui n'y étoit point indifferente,furent interrompus par la pétulante Madame de Clairville; quoiqu'elle fût accompagnée d'un homme auffi turbulent qu'elle, le fang froid du Comte lui plaifoit en. core davantage, elle s'imaginoit qu'il y auroit une gloire infinie à fondre la glace, dont elle croioit que fon cœur étoit paitri; puif qu'il ne lui avoit pas dit la moin dre galanterie, depuis qu'il la voioit, elle les aborda avec un air empreffè en leur disant: Vous

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avez grand befoin de notre fecours pour animer votre converfation, je la crois bien ferieufe & bien froide. La beauté de ce

lieu, répondit Mademoiselle de la Charce, fourniroit dequoi parler aux gens les plus filencieux, aussi n'avons-nous pas ceffé d'admirer tout ce qui fe prétente à nos yeux,& de donner à chaque chose la louange qu'elle mérite; comme le fujet eft fort étendu vous pouvez juger que nous n'avons pas été muets. On eft bientôt ennuyé, repartit Madame de Clairville, de louer des chofes inanimées, qui ne peuvent vous marquer de reconnoiffance des éloges que vous en faites. Pour moi, ajouta t-elle, fi je dis une gracieuseté, je veux que l'on me la rende au double, ainfi je ne m'adreffe qu'à ce qui a de la fenfibilité. Puifque vous pensez de cette forte, répondit le Comte

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