FABLE IV. Le petit Oranger & fon Maître. * Sur la foi d'un marchand qui peuploit fon verger, Qui n'étoit point encore en âge De produire ces fruits doux & délicieux, Mais notre homme des plus étranges; Dès la premiere année eût voulu des oranges. Et l'oranger ne fe décore Que de fleurs. Oh! Vraiment, ce n'eft pas là mon goût, S'écria notre homme en colere! Parmi les fauvageons qu'à l'inftant rejetté, Ce chétif arbriffeau, de fa ftérilité, * Qui a fervi de prologue à la comédie de l'École du temps. [Du même auteur.] Reçoive le jufte falaire. Ami, dit l'oranger, qu'eft-ce que tu prétens? De Flore les dons éclatans, Ne devançent-ils pas les faveurs de Pomone? A peine fuis-je à mon printemps, Et déja tu voudrois voir naître mon automne; C'est être un peu trop vif; attens mon cher, attens, Et je te donnerai du fruit avec le temps. (L'actrice au parterre.) Je fuis intereffée à prouver que ma fable D'aignez donc m'accorder un regard favorable Son talent fera votre ouvrage. C'est un jeune oranger, c'est un foible arbriffeau, A qui les aquilons vont déclarer la guerre: L'abandonnerez-vous ? Ce feroit fait de lui. Mais s'il prend racine au parterre » Il pourra quelque jour mériter votre appui, La Pêche & l'Ecolier. SIre friponnet écolier, Item, efpiégle d'importance Et franc gourmand de fon métier, Un jour en tapinois, dans un temps de vacance, Où les fruits les meilleurs pendoient en abondance Une pêche, en cette occurrence, Lui parut mériter d'avoir la préférence : Eh! Le moyen de voir avec indifférence Un fruit fi charmant de tout point? 2 Friponnet la cueille, la croque, Puis tout auffitôt la maudit. Hélas! Tout ce que l'on excroque Profite rarement, on l'a toujours bien dit : Dont les trompeurs dehors excitoient le mangeur; Le pouvoir du dehors que cette histoire fronde, FABLE V I. La jeune Fille & la Rofe. Vous, qu'avec complaifance on cultive, on arrofe Difoit la jeune Iphife à la brillante rose, Belle reine des fleurs, puis-je, fans vous fàcher, De mille charmes décorée, Il vous fiéd mal de vous cacher: D'épines, croyez-moi, cessez d'être entourée, Sans ces défenfes-là je ferois obfedée, L'Homme & le Lion. L'Homme eut un jour occafion De parler librement à fire le lion : Seigneur, dit l'homme, en vérité, Si je puis, fur ce point, m'ouvrir en liberté, La reine eft, felon moi, bien hardie ou bien bonne De coucher à votre côté. |