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tiere penfe, & dont la moindre ne pourroit être retranchée fans que la matiere ceffat auffitôt de penfer? Si vous dites que c'eft le hazard: je réponds que vous faites ce hazard raifonnable, jufqu'au point d'être la fource de la raifon même. Etrange prévention de ne pas vouloir reconnoître une cause très intelligente, d'où nous vienne toute intelligence; & d'aimer mieux dire que la plus pure raifon, n'eft qu'un effet de la plus aveugle de toutes les caufes, dans un fujer tel que la matiere, qui par lui-même eft incapable de connoiffance : En vérité, il n'y a rien qu'il ne vaille mieux admettre, que de dire des chofes fi infoutenables.

!

X XIX.

Sentimens de quelques anciens fur l'ame & la connoissance des bêtes.

La philofophie des anciens, quoique très imparfaite, avoit néanmoins entrevû cet inconvenient : auffi vouloit-elle que l'efprit divin, répandu dans tout l'Univers, fût une fageffe fupérieure, qui agît fans ceffe dans toute la nature, & fur tout dans les animaux comme les ames agiffent dans les corps; & que cette impreffion continuelle de l'efprit divin, que le vulgaire nommott instinct fans entendre le vrai fens de ce terme, fût la vie de tout ce qui vit. Ils ajoûtoient que ces étincelles de l'efprit divin étoient le principe de toutes les géné

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rations; que les animaux les recevoient dans leur conception, & à leur naiffance & qu'au moment de leur mort ces particules divines fe détachoient de toute la matiere terreftre, pour s'envoler au ciel, où elles rouloient au nombre des aftres. C'est cette philofophie, toute ensemble fi magnifique, & fi fabuleufe, que Virgile exprime avec tant de grace par ces vers fur les abeilles, où il dit que toutes les merveilles qu'on y admire, ont fait dire à plufieurs qu'elles étoient animées par un fouffle divin, & par une portion de la divinité: dans la perfuafion où ils étoient que Dieu remplit la terre, la mer, & le ciel ; que c'eft de là que les bêtes, les troupeaux, & les hommes reçoivent la vie en naiffant ; &

que c'est là que toutes chofes rentrent, & retournent, lorfqu'elles viennent à fe détruire : parce que les ames, qui font le principe de la vie, loin d'être anéanties par la mort, s'envolent au nombre des aftres, & vont établir leur demeure dans le ciel :

Effe apibus partem divinæ mentis, Virg.Georg.

& hauftus

Etherios dixère ; Deum namque

ire per omnes

Terrafque, tractufque maris cœ

lumque profundum.

Hinc pecudes, armenta,

genus omne ferarum,

viros

Quemque fibi tenues nafcentem ar

ceffere vitas.

Scilicet huc reddi deinde, ac refoluta referri

Omnia, nec morti effe locum, fed viva volare

1.4.

Sideris in numerum, fuccedere cœlo.

atque alto

Cette fageffe divine, qui meut toutes les parties connues du monde, avoit tellement frappé les Stoïciens, & avant eux Platon, qu'ils croioient que le

monde entier étoit un animal : mais un animal raisonnable > philofophe, fage, enfin le Dien fuprême. Cette philofophie réduifoit la multitude des Dieux à un feul; & ce feul Dieu, à la nature, qui étoit éternelle infaillible, intelligente, toutepuiffante, & divine. Ainfi les philofophes, à force de s'éloigner des poëtes, retomboient dans toutes les imaginations poëtiques. Ils donnoient, comme les auteurs des fables, une vie, une intelligence, un art, un deffein à toutes les parties de

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