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Michel eut pour successeur son fils Alexis en 1645. Celui-ci eut de sa première femme Marie Milaslowski quatre fils, Simon et Alexis, morts jeunes, Fodor et Yvan, qui régnèrent; et quatre filles, Théodosie, Marie, Sophie, qui fut corégente, et Catherine. Alexis eut, de sa seconde femme Natalie Nariskin, Pierre, qui fut le czar dont je vais parler, et la princesse Natalie.

Alexis étant mort en 1676, Fodor, son fils aîné, lui succéda, et mourut le 27 août 1682, sans laisser d'enfans de ses deux femmes Euphémie Grotzeska, polonaise, morte en 1681, et Marthe Mathowna Apraxin, morte en 1716.

Fodor avoit nommé, pour lui succéder, Pierre son frère cadet, âgé de dix ans, mais en qui il aperçut déjà un homme, au préjudice d'Yvan l'aîné, âgé de treize ans, également foible de corps et d'esprit. Mais la princesse Sophie, craignant que les deux Nariskin, frères de la jeune Czarine douairière, et oncles de Pierre, ne s'emparassent du gouvernement sous le nom de leur neveu, et voulant régner ellemême sous celui d'Yvan, excita les strélitz (1) à une révolte en faveur de cet aîné, fit massacrer les deux Nariskin et les principaux seigneurs qui lui étoient suspects, associer Yvan à l'Empire, et finit par se faire déclarer corégente, ou plutôt régna seule pendant quelques années. C'étoit avec plus d'inquiétude que de remords. Pierre, à l'âge de dix-sept ans, annon

(1) Les strélitz étoient en Russie ce que la garde prétorienne fut sous les empereurs romains, et ce que sont les janissaires dans l'Empire ottoune troupe toujours prête à servir les fureurs de leurs princes, ou à les précipiter du trône. (D.)

man,

çoit tout ce qu'il devoit être, et l'état de langueur d'Yvan le menaçoit d'une mort prochaine. Marié en 1684 avec Parascowie Solticof, il n'en avoit que trois filles, Catherine, Anne, et Parascowie.

Sophie jugea qu'elle ne jouiroit pas du fruit de ses crimes si elle n'en commettoit encore un, et résolut de faire périr Pierre, qui n'étoit pas encore marié. On a prétendu qu'elle avoit d'abord employé le poison, mais que de prompts remèdes, joints à la force du tempérament du jeune prince, en avoient paré l'effet mortel, et que les mouvemens convulsifs qu'on lui remarquoit souvent dans les muscles du visage étoient une suite de l'état violent qu'il avoit éprouvé. Que cette imputation soit bien ou mal fondée, ce n'est pas le caractère de Sophie qui a pu la détruire, puisqu'elle entreprit de faire immoler ce frère par les strélitz, et qu'il fut obligé de se réfugier dans le château de la Trinité. Les boïards, leurs vassaux ou esclaves, les Allemands établis en Russie, accoururent à son secours, détachèrent par leur exemple les strélitz du parti de Sophie, et ramenèrent le jeune prince dans Moscou, où l'on fit périr dans les supplices les complices de la princesse, qui fut renfermée dans un couvent.

De ce moment, Pierre commença de régner; car Yvan n'eut jusqu'à sa mort (19 janvier 1696) d'autre marque de la souveraineté que de partager le titre de czar. Pierre résolut alors d'aller chercher, en voyageant chez différentes nations, les lumières qu'il ne pouvoit pas trouver chez lui. Il avoit, avant son départ, pris ou cru prendre toutes les mesures possibles pour assurer pendant son absence la tranquillité de

ses Etats; mais le clergé, effrayé du progrès des connoissances de ce prince, et des premières lueurs de ce jour nouveau, craignant peut-être, avec une bonne foi stupide, comme on le craint ailleurs par intérêt, de voir détruire la superstition, communiqua ses frayeurs au peuple. De vieux boïards attachés aux anciens usages se joignirent aux prêtres. Dans une nation esclave, superstitieuse et féroce, une révolution est l'ouvrage d'un moment; mais un moment aussi fait une révolution contraire. La Russie en a fourni plusieurs exemples en peu d'années de ce siècle. Les rebelles alloient remettre Sophie sur le trône, et comptoient fermer au Czar l'entrée de ses Etats. Aux premiers bruits de la révolte, ce prince part de Vienne, et se montre bientôt dans Moscou. Avant son arrivée, les troupes étrangères qu'il y avoit laissées avoient fait tête aux strélitz, qui accouroient des frontières en faveur de Sophie. La présence du Czar acheva de tout soumettre. Il déploie aussitôt les supplices les plus terribles; et, jugeant que les strélitz conserveroient toujours un esprit de révolte, il résolut de les anéantir : il les fit envelopper et désarmer par les troupes étrangères, et par celles qui étoient restées fidèles. Dans un même jour, deux mille furent pendus, et environ cinq mille eurent la tête tranchée. Le Czar donna le signal de l'exécution en prenant une hache dont il coupa lui-même une centaine de têtes, ordonna à ses courtisans de suivre son exemple, et abandonna le reste à d'autres bourreaux moins distingués. Toutes ces têtes furent mises sur des pointes de fer autour des murs de Moscou, un grand nombre en face des fenêtres de la prison de

Sophie, et y restèrent cinq à six ans, jusqu'à la mort de cette princesse en 1704.

Les strélitz n'étant que les instrumens de la rebellion, le Czar entreprit de se soumettre ceux qui en étoient l'ame : une administration municipale succéda dans les provinces à celle des boïards. La puissance du clergé étoit encore un objet plus important: les patriarches de Russie avoient souvent paru, dans les cérémonies publiques, à côté des czars; et quoique cette espèce d'égalité ne fût qu'une marque de respect pour la religion, Pierre savoit que sa famille avoit dû en partie son élévation au clergé : il ne vouloit pas qu'une autre maison pût avoir un jour la même obligation aux prêtres, dont il connoissoit le pouvoir sur un peuple superstitieux. Il abolit donc le patriarchat, en appliqua les revenus aux besoins de l'Etat, et principalement à la solde des troupes, qu'il intéressoit par là au succès d'une opération politique. Il fixa à cinquante ans les vœux monastiques. Cette ordonnance, qui auroit pu servir d'exemple aux autres princes, bornoit tellement le nombre des moines, que c'étoit presque les détruire. Il réduisit enfin le clergé aux fonctions de son ministère encore en exigea-t-il un serment nouveau, dont la formule lui donnoit la suprématie ecclésiastique. Le Czar sentoit si bien la grandeur de son entreprise et le mérite du succès, qu'ayant lu un parallèle de Louis XIV et de lui par Steele, il en parut flatté. « Mais cependant, «< dit-il, j'ai soumis mon clergé, et il obéit au șien. »

Pierre avoit épousé en premières noces, en 1689, Eudoxie-Théodora Lapoukin, de la plus haute noblesse du duché de Novogorod. Le mariage s'étoit

fait suivant l'ancien usage. Toutes les filles jeunes, belles et nobles, de quelque partie de l'empire que ce fût, averties par une proclamation générale que le Czar devoit choisir entre elles une épouse, se rendirent à ce concours. Le Czar les ayant fait rassembler dans la plus grande salle du palais, et après les avoir examinées, se détermina en faveur d'Eudoxie. Un tel choix ne pouvoit tomber que sur la beauté. Dans cette foule de rivales, rien ne se manifestoit, de tant de caractères, que le désir de plaire, ou l'ambition d'être préférée. Eudoxie n'avoit pas les qualités propres à fixer un prince d'un tempérament bouillant, qui ne fait pas les amans fidèles, même quand ils continuent d'aimer. Eudoxie, fière et jalouse, vouloit régner seule sur le cœur de son mari, et avec lui sur l'empire. Elle oublia que ce mari étoit un maître effréné dans ses désirs, incapable de souffrir la moindre contrainte, et déjà refroidi par la jouissance. En moins de deux ans, il en eut deux enfans mâles. L'aîné, nommé Alexandre, mourut jeune ; le second fut l'infortuné Alexis.

Le Czar, de jour en jour plus dégoûté par l'humeur de l'Impératrice, la prit bientôt en aversion. Il devint éperdument amoureux d'Anne Moëns ou Moousen, née à Moscou, de parens établis dans le faubourg de la stabode allemande. Cette fille, jeune, belle, et de beaucoup d'esprit, lui inspira une passion d'autant plus forte, qu'elle ne marquoit à ce prince que de l'éloignement, et même du dégoût. L'Impératrice, transportée de fureur, accabla son mari de reproches, et recourut à mille artifices pour perdre sa rivale, qui, loin d'en éprouver du ressentiment, ne cher

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