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GERONT E.

Ah! Madame, je ne prétens point abufer de l'état vous etes. Mais vrayment, Merlin, cette femmelà n'eft pas fi folle que tu difois.

MERLIN.

Elle a quelquefois de bons momens; mais cela ne dure pas.

GERONTE.

Dites-moy, Madame Bertrand, eftes-vous tou jours auffi fage, auffi raisonnable qu'à prefent? Mad. BERTRAND.

Je ne penfe pas, Monfieur Geronte, qu'on m'ait jamais veuë autrement.

GERONT E.

Mais fi cela eft, votre famille n'a point esté en droit de vous faire interdire.

Mad. BERTRAND.

De me faire interdire, moy! de me faire interdire!
GERONTE.
Elle ne connoift pas fon mal.

Mad. BERTRAND.

Mais fi vous n'eftes pas ordinairement plus fou qu'à prefent, je trouve qu'on a grand tort de vous faire enfermer.

GERONTE.

Me faire enfermer! voila la machine qui fe derraque; ça ça, changeons de propos : hé bien qu'eft-ce, Madame Bertrand, eftes-vous fachée qu'on ait vendu votre maison?

Mad. BERTRAND.

On a vendu ma maison?

GERONTE.

Du moins vaut-il mieux que mon fils l'ait achetée

qu'un autre,

& que nous profitions du bon marché.

Mad. BERTRAND.

Mon pauvre Monfieur Geronte, ma maison n'est point vendue, & elle n'est point à vendre.

GERONTE.

Là, là, ne vous chagrinez point, je prétens que vous yayez toujours votre appartement comme fi elle étoit à vous, & que vous fuffiez dans votre bon fens. Mad. BERTRAND.

Qu'est-ce-à-dire, comme fi j'eftois dans mon bon fens? allez, vous cftes un vieux fou, un vieux fou à qui il ne faut point d'autre habitation que les petites mai fons ; les petites maifons, mon amy. MERLIN.

Eftes-vous fage, de vous emporter contre un extravagant ?

GERONTE.

Oh parbleu, puifque vous le prenez fur ce ton-là, vous fortirez de la maifon, elle m'appartient, & j'y feray mettre mes ballots malgré vous: mais voyez cette vieille folle!

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MERLIN.

A quoy penfez-vous de vous mettre en colere contre une femme qui a perdu l'efprit?

Mad. BERTRAND.

Vous n'avez qu'à y venir, je vais vous y attendre: hom,l'extravagant ! Haftez vous de le faire enfermer, il devient furieux, je vous en avertis.

MERLIN.

Je ne fçai pas comment je me tirerai de cette affaire.

SCENE XVII.

LE MARQUIS yvre, GERONTE, MERLIN.

LE MARQUIS yure.

porte

Ue veut donc dire tout ce tintamare- là ? vienton, s'il vous plaift, faire tapage à la d'un honnefte homme, & fcandalifer toute une populace? GERONTE.

Merlin, qu'est-ce que cela veut dire

MERLIN.

Les diables de chez vous font un peu yvrognes, ils fe plaifent dans la cave.

GERONT E.

Il y a icy quelque fourberie, je ne donne point là-dedans.

LE MARQUIS.

Il nous eft revenu que le Maiftre de ce logis vient d'arriver d'un long voyage; feroit-ce vous par avanGERONTE Ouy, Monfieur, c'eft moy-même.

ture?

LE MARQUIS.

Je vous en félicite : c'eft quelque chofe de beau que les voyages, & cela façonne bien un jeune homme: il faut fçavoir comme Monfieur votre fils s'est façonnê pendant le vôtre; les jolies manieres... ce garçonlà eft bien genereux, il ne vous reffemble pas, vous eftes un vilain, vous.

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Nous avons eu bien du chagrin, bien du foucy, bien de la tribulation de votre retour, je veux dire de votre abfence; votre fils en a penfé mourir de douleur en verité, il a pris toutes les chofes de la vie en dégouft, il s'eft défait de toutes les vanités qui pouvoient l'attacher à la terre richesses, meubles, ajustemens; ce garçon-là vous aime, cela n'eft pas croyable.

MERLIN.

Il feroit mort, je croy, de chagrin pendant votte abfence fans cet honnefte Monfieur-là.

GERONTE.

Hé que venez-vous de faire chez moy, Monfieur, s'il vous plaift?

LE MARQUIS.

Ne le voyez-vous pas bien fans que je vous le dife? j'y viens de boire du bon vin de Champagne, & en fort bonne compagnie; votre fils eft encore à table, qui fe confole de votre abfence du mieux qu'il eft poffible.

GERONTE.

Le fripon me ruine, il faut aller...

LE MARQUIS.

Alte-là, s'il vous plaift, je ne fouffriray pas que vous entriez là-dedans.

GERONTE.

Je n'entreray pas dans ma maison ?

LE MARQUIS.

Non, les lieux ne font pas difpofés pour vous rece voir.

GERONTE.

Qu'est-ce-àdire ?

LE MARQUIS.

Il feroit beau, vrayment, qu'au retour d'un voyage, aprés une fi longue abfence, un fils qui fçait vivre, & que j'ay façonné, eût l'impolitefle de recevoir fon tres cher & honoré pere dans une maison où il n'y a que les quatre murailles?

Que les quatre

GERONTE.

murailles ! Et ma belle tapifferie, qui me couftoit prés de deux mille écus, qu'est-elle deve

nuë?

LE MARQUIS.

Nous en avons eu dix-huit cent livres, c'est bien vendre.

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GERONTE.

Comment bien vendre, une tenture comme celle LE MARQUIS.

Fy, le fujet eftoit lugubre, elle reprefentoit la bruflure de Troye, il y avoit là-dedans un grand vilain Cheval de bois, qui n'avoit ny bouché ny éperons; nous en avons fait

un amy.

Ah pendard!

GERONTE.

LE MARQUIS. N'aviez-vous pas auffi deux grands tableaux qui reprefentoient quelque chofe?

GERONTE.

Ouy, vrayment, ce font deux originaux d'un fameux Maiftre,qui reprefentent l'enlevementdesSabines. LE MARQUIS.

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Juftement nous nous en fommes auffi défaits, mais par delicatesse de conscience.

GERONTE.

Par délicateffe de confcience?

LE MARQUIS.

Un homme fage, vertueux, religieux comme Monfieur Geronte ah! il y avoit là une immodefte Sabine, décolletée, qui... fy, ces nudités-là sont scandaleufes pour la jeuneffe.

SCENE

XVIII.

Mad. BERTRAND, GERONTE, LE MARQUIS, MERLIN.

Mad. BERTRAND.

Ares, Monteur Geronte ; & votre fils, à ce qu'on

H vrayment, je viens d'apprendre de jolies cho

dit, engage ma niéce dans de belles affaires.

GERONTE.

Je ne fçay ce que c'eft que votre niece, mais mon fils eft un coquin, Madame Bertrand.

MERLIN.

Ouy, un débauché, qui m'a donné de mauvais confeils, & qui eft cause...

LE MARQUIS.

Ne nous plaignons point les uns des autres,

& ne

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