de la finesse de goût & de la nobleffe de ton que doit leur donner le monde où ils vivent ; & que prétendre être admis, à fimple titre de naiffance, dans une Compagnie telle que la nôtre, feroit une ambition auffi humiliante, que de vouloir entrer à titre de bel-Efprit dans un Chapitre d'Allemagne. MM. de Dangeau profiterent de l'accès qu'ils avoient auprès du Roi, pour porter aux pieds du Trône le vœu de l'Académie; & par leurs fages remontrances, ils firent fans peine avorter une entreprise auffi mal ourdie que mal conçue. Leur mémoire devroit a ce feul titre nous être infiniment chere. L'Académie leur doit l'Infcription: Ob cives fervatos. Ils ont été pour elle ce que Manlius & Camille ont été pour Rome; ils ont fauvé la Patrie que l'ennemi étoit tout prêt à fubjuguer. Ils ont appris fur-tout aux Académiciens de leur rang, ce que la Compagnie eft en droit d'attendre de leur attachement & de leur zele. Si des devoirs plus importans s'oppofent au defir qu'ils auroient de partager nos travaux; s'il n'eft permis qu'à un très-petit nombre de donner un libre effor à leurs talens dans des Ouvrages honorés de l'eftime publique ;

fi tous enfin ne peuvent fuivre l'exemple de quelques-uns d'entre eux, que nous avons la fatisfaction de voir tous les jours au milieu de nous, il leur refte un moyen, bien flatteur pour des ames élevées, de fe montrer nos dignes Confreres; c'est d'être auprès de notre augufte Protecteur les interpretes de nos fentimens, & l'appui de nos modeftes demandes. Plufieurs ont rempli ce devoir avec autant de noblesse que de zele; & nous aimons à croire qu'il ne manque tous les autres que l'occafion de les imiter. Ils font tous, & avec justice, trop jaloux de leur renommée, pour oublier jamais, qu'il ne fauroit être indifférent, de quelque dignité qu'on foit revêtu, de fe rendre favorables les hommes qui dans leurs Ouvrages diftribuent la gloire & la honte, & dont le principal devoir, fuivant l'expreffion du Philofophe Tacite, eft de ne laiffer dans l'oubli ni les actions honnêtes, ni celles qui ne le font

pas.

ÉLOGE

DE

M. DE SACY*.

L'ELOGE

ELOGE que vous allez entendre Meffieurs, eft moins celui d'un Ecrivain du premier ordre, que d'un Académicien fage & vertueux, qui joignit à des Ouvrages eftimables une honnêteté de mœurs & de principes, bien préférable aux meilleurs Ouvrages. Si le nom de M. de Sacy n'eft pas au rang de ces noms immortels, dont l'Académie & la Littérature s'honorent, les qualités de fon ame & la dignité de fa conduite ont rendu fon fouvenir cher à cette Compagnie, & fon exemple précieux aux Gens de Lettres. Peu jaloux de cette

(1) Lu le 20 Juin 1776.

célébrité fi defirée & fi dangereufe, dont l'éclat flatte quelques momens la vanité, & dont les orages tourmentent fi fouvent l'amour-propre, il fut préférer à une gloire bruyante & difputée une confidération douce & paifible; il n'excita ni l'envie, ni la haine; il mérita des amis, & il en eut ; il n'essuya point ce brillant, mais cruel anathême, que la Nature, en faisant naître les hommes rares, femble, dit un de nos Poëtes, avoir prononcé fur leur tête, fois grand homme, & fois malheureux. Il prouva enfin, que pour jouir de ce bonheur qu'on cherche tant & qu'on trouve fi peu, la fageffe vaut mieux que le génie, l'eftime que l'admiration, & les douceurs du fentiment que le bruit de la renommée. Refuferiez-vous, Meffieurs, dans un jour confacré à l'honneur des Lettres, après avoir raffafié vos regards du fuccès & du triomphe des talens (1), de repofer un moment ces mêmes regards fur la vertu fimple & modefte, fi digne d'intéreffer vos cœurs & de recevoir vos hommages?

(1) Cet Eloge fut lu à la réception de M. de la Harpe.