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timent que ceux de l'amour-propre, & le plaifir de vivre dans le cœur de fon ami, que celui d'exifter dans l'opinion des autres.

Cette ame honnête & pure mérita des amis parmi ceux même qui ne paroiffoient pas devoir l'être. M. de Sacy avoit plaidé dans une affaire importante contre un Académicien diftingué, & avoit même révélé dans fes Mémoires des faits peu agréables pour fa Partie adverfe. L'offenfé, qui connoiffoit les principes & les mœurs de M. de Sacy fentit, que fi fon eftimable Agreffeur lui avoit porté des coups redoutables c'étoit fans intention de le blesser, regret même, & pour les feuls intérêts de la perfonne qu'il s'étoit chargé de défendre; auffi non-feulement l'Académicien dont nous parlons ne fut pas mauvais gré à ce vertueux Adverfaire de fes attaques & de fa franchise; mais quand M. de Sacy fe préfenta pour l'Académie, celui contre lequel il avoit écrit fut un de fes plus ardens folliciteurs; récompenfe rare, mais confolante, que le Ciel accorde quelquefois à la vertu, pour ne pas décourager les hommes de la pratiquer,

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Nous terminerons l'Eloge de M. de Sacy par un trait qui couronne tous les autres. Quoique très-occupé dans fa profession, il l'exerça avec une noblesse qui contribua plus à fa confidération qu'à fa fortune. »Tous ceux qui avoient » befoin de lui, devenoient fes amis, dit M. de Montesquieu fon fucceffeur, (car l'homme vertueux mérita d'avoir pour Panégyrifte un Grand Homme): il ne trouvoit prefque pour récompenfe à la fin de chaque jour, » que quelques bonnes actions de plus; » & toujours moins riche, mais toujours plus défintéreffé, il n'a tranfmis » à fes enfans que l'honneur d'avoir eu » un fi refpectable Pere «.

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Il mourut le 26 Octobre 1727, âgé de foixante-treize ans, chargé de travaux & de vertus, laiffant à fes amis le plus cher fouvenir, aux Gens de Lettres le plus digne modele, aux Gens de bien les plus juftes regrets. Madame de Lambert, plus âgée que lui de fept ans, & dont l'amitié fidele & pure avoit fait la douceur de fa vie, lui furvécut pour conferver & honorer fa mémoire. Digne & trifte objet de fes pleurs, il n'en eut point à répandre fur elle. Ainsi

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la Nature, qui avoit tant fait pour bonheur de M. de Sacy, y mit le comble par une vieilleffe heureufe & paifible, exempte de ce fentiment douloureux que laiffe au fond du cœur une perte éternelle & irréparable; fentiment dont l'impreffion eft d'autant plus profonde, que l'ame trouve une efpece d'attrait à s'y livrer, & de douceur à en goûter l'amertume; fentiment que fa trifteffe même rend en quelque maniere defirable, puifqu'il nous fait regarder la mort comme un bienfait de la Nature, non parce qu'elle met fin à des larmes qui nous font cheres, mais parce que ce malheur de l'humanité, fi c'eft un malheur que de ceffer de fouffrir, nous eft du moins commun avec ceux que nous avons tendrement aimés, & nous laiffe l'efpoir confolant de les fuivre bientôt dans cet afyle éternel & paifible, où leur ombre nous a précédés, & où leur voix nous appelle. Madame de Lambert, qui furvécut encore fix années à M. de Sacy, entretint & nourrit toujours ce fentiment cher à fon cœur. Elle y joignit un efpoir plus confolant encore, celui que la Divinité bienfaifante donne aux ames vertueufes,de fe réunir un jour

pour n'avoir plus à pleurer leur féparation; efpoir en effet fi propre foulager les maux des cœurs fenfibles; efpoir dont la malheureuse humanité avoit un befoin fi preffant, qu'elle a couru, pour ainfi dire, au devant de lui, avant que la bonté fuprême & éternelle voulût bien le lui préfenter elle-même. Un fentiment profond & plein de vie, privé d'un objet chéri qu'il ne retrouvoit plus, & ne pouvant fupporter l'idée accablante d'être anéanti pour jamais, a infpiré, intéreffé, éclairé la raifon, pour lui faire embraffer avec tranfport cette attente précieuse d'une exiftence immortelle, dont le premier defir n'a pas dû naître dans une tête froide & philofophe, mais dans un cœur qui avoit aimé.

ÉLOGE

DE LAMOTTE().

ANTOINE

NTOINE HOUDART DE LA MOTTE naquit à Paris le 17 Janvier 1672. Il fit fes premieres études chez les Jéfuites, qui ont fi bien mérité de la Littérature par leurs talens & par leur Ouvrages; heureuse Société, fi elle avoit fu fe contenter de cette gloire! La Motte conferva toujours avec elle des liaisons, foit de reconnoiffance, foit de politique; car alors les Jéfuites étoient redoutables, & la foudre, qu'ils ont défiée fi longtemps, dormoit encore.

Après fes Humanités, il étudia, comme beaucoup d'autres hommes célèbres pour être Avocat, & s'en dégoûta bientôt comme eux. Quelque eftime qu'il

(1) Lu le 17 Avril 1775

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