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Pour effayer l'indulgence du Public, je me borne aujourd'hui à foumettre au jugement de cette Affemblée quelques réflexions générales, qui doivent, ce me femble, précéder l'Hiftoire particuliere des Académiciens. Elles auront pour objet cette Compagnie, que peut-être on a cherché jufqu'à préfent à juger fans la

bien connoître.

Il n'y a pas encore vingt ans que dans toutes les Affemblées publiques de ces Sociétés Littéraires, fi répandues dans nos Provinces, le Directeur ouvroit réguliérement la Séance par un Difcours fur l'utilité des Académies. Ce fujet, auffi rebattu que les déclamations faftidieufes contre la Philofophie moderne, est aujourd'hui ufé jusqu'au dégoût, & l'on ne peut s'expofer à y revenir, fans rifque d'ennuyer le

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Public. Ce n'eft pourtant pas que le Public foit unanimement convaincu de cette utilité des Académies dont il ne veut plus qu'on lui parle. Elle trouve encore des contradicteurs en affez grand nombre, fur-tout dans cette claffe d'hommes, qui pour le moins inutiles à l'Etat, n'y pardonnent d'inutilité que la leur. Ils favent néanmoins, à force de difcernement, mettre une diftinction entre les Académies. Ils font à l'Académie des Sciences

la grace de croire qu'elle peut être utile; ils veulent bien même étendre cette grace jufqu'à l'Académie des Belles-Lettres, en confidération des Recherches hiftoriques dont elle s'occupe; mais ils fe dédommagent de cette indulgence fur l'Académie Françoife. A quoi eft-elle bonne, difcnt-ils,avec cette fine fatisfaction

que la fottife laiffe échapper, quand elle croit avoir fait une queftion infidieufe? Nous conviendrons fans peine qu'il eft plus néceffaire à l'Etat d'avoir des Laboureurs & des Soldats qu'une Académie Françoise. Mais nous demanderons d'abord, fi dans une Nation floriffante, dont toute l'Europe étudie le goût & apprend la Langue, il n'eft pas utile qu'il y ait un Corps destiné à maintenir la pureté de la Langue & du goût? Nous demanderons, fi la perfection de ces deux objets n'eft pas effentielle aux agrémens de la fociété, dans une Nation dont la fociabilité fait le principal caractere, & qui a porté plus loin que toutes les autres le talent de jouir & l'art de vivre? Quand l'Académie Françoise fe borneroit à cet objet, quand elle ne feroit qu'une efpece de luxe

littéraire, ce feroit au moins un luxe bien modefte, & fur-tout qui ne coûte rien à l'Etat; puiflionsnous en dire autant de tous les genres de luxe qu'on y tolere, ou même qui s'y croient protégés!

Mais portons nos vues plus loin, & voyons fi cette Compagnie ne pourroit pas être dans l'Etat quelque chofe de plus qu'un fimple ornement.

L'Académie Françoise eft l'objet de l'ambition, fecrete ou avouée, de prefque tous les Gens de Lettres, de ceux même qui ont fait contre elle des Epigrammes bonnes ou mauvaises Epigrammes dont elle feroit privée pour fon malheur, fi elle étoit moins recherchée. Quelques Ecrivains, il eft vrai, affectent de méprifer cette diftinction, avec autant de fupériorité

que s'ils avoient droit d'y prétendre; on ne devineroit pas en les lifant, fur quoi ce mépris eft fondé: auffi perfonne n'eft-il la dupe de cette morgue d'emprunt, & fi j'ofe m'exprimer ainfi, de cette vanité rentrée, qui pour fe confoler de l'indifférence qu'on lui montre feint de repouffer ce qu'on ne pense point à lui offrir. Malgré ce faux dédain & cet orgueil de commande, l'empreffement général des Gens de Lettres pour l'Académie n'en eft ni moins réel, ni moins eftimable: & quel bien cette ambition ne peut-elle pas produire, entre les mains d'un Gouvernement éclairé? Plus il attachera de prix aux honneurs Littéraires, & de confidération à la Compagnie qui les difpenfe, plus la Couronne Académique deviendra une récompenfe flatteufe pour les Ecri

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