페이지 이미지
PDF
ePub

ger dans un Monaftére des égards qu'ils auroient dû rougir d'exiger dans le monde. Quelle autre réponse peut-on faire à leurs plaintes, que de les avertir de changer l'objet de leur indignation, pour fe la réferver toute entiére, Il n'eft point d'hommes qui doivent leur faire plus de peine à fouffrir qu'eux-mêmes. C'eft affurément de toutes les vanités la plus intolérable, que celle d'être vain d'une vanité facrifiée.

VII. LE CO N.

Les préjugés de l'éducation font ceux dont on fouffre le plus, parce que ce font ceux dont on le défie le moins. Rien de plus nécessaire à notre repos que de revenir fur ces premiers jugemens. Le meilleur moyen de diminuer les peines, eft toujours d'apprendre à les réduire

[ocr errors]

à leur valeur.

L ne paroit pas aifé de décider fi les panchans d'une heureufe naiffance contribuent plus à la tranquilité de la vie, que les principes d'une bonne éducation. Mais il y a des peines affurées dans les mauvais préjugés de la jeuneffe: ce font de tous nos préjugés les plus forts, & ceux dont on fent le moins la néceffité de fe défaire. On les a pris dans un âge où tout fe fait par impreffion dans notre ame. On ne les foupçonne point d'être faux. On les fuit avec la même affurance que s'il n'étoit pas poffible d'imaginer & d'agir autrement. On fe fait aux maniéres de penfer de fes parens &

de fes maîtres. On prend leurs gouts & leurs averfions, leur prévention pour eux-mêmes, leurs défauts, leurs travers, leurs fingularités bizarres. Chaque famille eft comme une petite république. Elle a fes loix, fa police, fes arrangemens, & croit que c'est ce qu'il y a de mieux au monde. On s'accoutume d'ailleurs aux alimens de fon premier féjour; les lieux en deviennent familiers & plaifent: on en aime quelquefois jufqu'aux défagrémens; & c'est à ces impreffions pourtant que nous comparons tout dans les ufages & dans les fituations de la vie. Voilà, dit-on, ce qui fe faifoit chez mon pere; c'est ainfi qu'on vit dans mon pays. Quelque bien qu'on foit ailleurs, quelque traitement qu'on y reçoive, on eft mécontent par comparaison.

Très-fouvent ce mécontentement ne feroit point déraisonnable, fi la comparaison ne l'étoit pas. Mais la grande régle, ou le grand fecret pour couler des jours un peu tranquiles, c'est d'être réfolu de fe faire à tout, fans égard aux différences que le changement des fituations peut mettre entre le bien & le mieux être. Il n'est point d'autre moyen fûr de rendre fa deftinée toujours fupportable, que celui de favoir vivre avec toutes fortes de perfonnes, & dans toutes fortes de lieux & de circonftances. Les hommes en général, & furtout ceux de diverfes provinces ou de diverfes nations, offrent trop de variétés & de contrariétés dans leurs mœurs, dans leurs maniéres & dans leurs ufages, pour efpérer de pouvoir s'en tenir avec eux à des principes fixes, qui ne feroient peut-être d'ailleurs que de faux préjugés dont on n'auroit pas eu foin de fe défaire.

I

e

[

Cependant on ne vit pas toujours renfermé dans la maifon paternelle. On eft obligé d'avoir au dehors des rélations de befoins, d'affaires, de commerce, d'étude, d'exercices. Il faut entretenir des liaifons d'alliance, d'amitié, de bienféance. Il vient un tems où les oifeaux quittent leur nid. Les familles fe difperfent. Chacun prend des engagemens felon fes inclinations, ou fes intérêts; & c'eft dans toutes ces circonftances que les fauffes idées dont on eft prévenu, font rencontrer des contradictions dont on fouffre.

Des enfans fe font vus accabler de careffes: on les a traités de dauphins, de princeffes, de petits rois & de petites reines; ils ont prefque cru l'être. L'aveuglement des parens les a féduits fur un efprit & des agrémens qu'ils leur trouvoient, mais qu'ils leur trouvoient feuls. Il n'eft pas jufqu'aux ourfes qui ne léchent leurs petits; elles font contentes de leur figure informe. Tout animal aime fon femblable. Hors de chez eux ces enfans ne font rien moins que ce qu'ils fe font imaginés. On les regarde avec indifférence, & l'indifférence eft pour eux un mépris cruel. Ils accufent tout ce qui les voit de manquer de difcernement & d'équité; tout leur paroit dur. Leurs préventions leur préparent par-tout de nouvelles occafions d'être mortifiés.

Une mere idolâtre qui ne vous aimoit que pour vous gâter; une gouvernante intéreffée à vous flatter; une maîtreffe qui s'étoit attachée follement à votre enfance, vous a redit cent fois le jour que vous étiez jolie, bien faite, fpirituelle, aimable. Il faudra donc que vous prêtiez fes yeux à tout le monde, ou vous rif

quez de n'être trouvée de perfonne telle que vous lui paroiffiez. Vous jouiffez d'une vogue que vous avez parmi les vôtres, ou parmi quelques amis choifis; vous vous applaudiffez d'un mérite fingulier qu'ils vous accordent; fongez que vous laiffez peut-être tout ce mérite chez vous autant de fois que vous en fortez, Sans cette précaution, vous croirez qu'il n'eft plus, ni bon gout, ni juftice dans le refte du monde.

Dans les converfations, dans le cours ordinaire des occupations de la vie, dans les difcuffions d'intérêt, dans les délibérations publiques, ou dans les confeils particuliers on débite des maximes qui vous révoltent. On raifonne, on agit fur des principes qui traverfent toutes vos vues, & qui vous éloignent infiniment de vos fins. Quelle peine pour vous rapprocher des autres, pour vous concilier, pour vous ramener aux opinions communes! Vous conteftez; vous faites de mauvaises difficultés; vous fuppofez que vous avez toute la raifon pour vous, & vous vous brouillez avec elle. Vous combattez les partis les plus fages; vous refufez les conditions les plus équitables; vous rompez quand on eft près de conclurre; vous croyez avoir facrifié tous vos droits, quand vous ne faites que vous rendre à la juftice; & vous trouvez tous les autres intraitables, parce que vous l'êtes. Réfléchiffez-y férieufement, & confidérez cette contradiction comme univerfelle à vos maniéres de penser, comme une preuve du befoin qu'elles ont d'ê tre réformées. Mettez-vous au rang de ceux dont il eft dit qu'ils fe font égarés dès le fein de leurs meres.

L'éducation des grands & des riches de vroit

être la plus exquife. Il leur eft plus effentiel qu'au refte des hommes, d'être mis en garde contre des préjugés qui leur font propres, & qui répandent mille défagrémens dans une vie que tout concourroit d'ailleurs à leur rendre infiniment gracieufe. Rien ne leur manque du côté des fecours, fi ce n'eft par le mauvais choix des perfonnes qu'on met auprès d'eux. Ce choix devroit fe faire avec beaucoup de recherches & de difcernement. Il faudroit s'être bien affuré du caractère, des mœurs, des inclinations & des maniéres de ceux qu'on choifit, & ce font prefque toujours les attentions les plus négligées. Les parens peut-être en font incapables, ou n'aiment pas affez leurs. enfans pour porter le foin de les bien élever jufqu'à l'inquiétude. On leur donne des gouvernantes, des précepteurs, des maîtres, des gouverneurs; & quand on en a fait les dépenfes, on croit n'avoir plus de reproches à se faire.

Au fond qu'a-t'on fait pour les enfans? Je vais entrer dans un détail qui ne paroitra m'écarter de fon fujet que pour m'y ramener avec quelque fruit. On a trop à craindre d'avoir été mal inftruit, pour n'aimer pas à réfléchir fur tous les dégrés d'inftruction par lefquels on a paffé pour parvenir à l'âge où chacun n'eft plus conduit que par lui-même. Il fuffit qu'on puiffe avoir été mis dans une feule mauvaise main, pour fe défier des impreffions qu'on a reçues de toutes.

Les gouvernantes, qui font-elles? On les prend comme au hazard. C'eft quelquefois une ancienne domeftique qu'on recompenfe de cette place; fes fervices lui tiennent lieu de

« 이전계속 »