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LA VIE

DE PIERRE

ABEILLARD;

ABBE' DE S. GILDAS

DE RUIS,

ORDRE DE S. BENOIST

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L

ORS qu'Abeillard penfoit I.
férieufement à fe retirer, on Le Due
vint lui apporter la nouvelle
que le Comte de Nantes venir A-

étoit fort mal, & qu'il fouhaitoit le

de Breta

gne fait

beillard

pour

mort.

l'affifter yoir. Abeillard partit auffi-tôt pour fe à la rendre auprès de ce Prince, & ne prit avec lui qu'un jeune Religieux qu'il aimoit pour fon bon naturel, & un valet pour les fervir. Ses Moines qui furent avertis de ce voïage, crurent que c'étoit une occafion favorable pour exécuter leur deffein. Ils gagnerent le valet par argent, lui promirent encore une plus grande récompenfe à fon retour s'il les délivroit de cet infupportaBle Abbé, & lui fournirent toutes les drogues néceffaires pour l'empoifonner dans fon voïage, lorfqu'il en auroit la facilité.

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Il ne la trouva point fur la route, foft que les viandes qu'on fervit à nos voïageurs dans les hôtelleries, ne fuffent pas affez commodes pour être empoifonnées, foit que les gens de l'hôtellerie ne quitaffent point de vue ce qu'ils apprêtoient pour la nourriture de leurs hôtes mais quand ils furent à Nantes, le malheureux ne manqua pas fon coup. Abeillard, qui depuis long- temps n'avoit point eu le plaifir de voir sa famille, fut reçû chez fon frere Radulphe (a), avec la joïe & l'amitié.

que

(a) Le Mortuaire de l'Abbaïe du Paraclet, fait menrion de ce frere, en ces termes : Tertio, non. Sept, obiit Radulphus,magiflri noftri Petri Germanus,

peut

la vie

maniere

extraor

ligieux

peut infpirer la proximité du fang, jointe à un mérite (a) qui leur faifoit beaucoup d'honneur. Agréablement au milieu de fes proches, il palloit la journée auprès du Comte, & revenoit le foir fouper chez Radulphe. Il arriva Dieu lui un jour qu'aïant demeuré auprès de conferve fon malade plus qu'à l'ordinaire; à fon d'une retour il fe trouva fatigué, & ne voulut point toucher à ce qu'on lui fervit. dinaire Le jeune Religieux qui l'accompagnoit, & le Rene fe trouvant pas en même difpofi- qui l'action, le retardement de fon Abbé avoit compaaiguisé fon appétit, il foupa bien, & empoine laiffa que peu de chofe de ce qui avoit été préparé pour Abeillard. A peine fut-il forti de table, que les convulfions le prirent; & après quelques heures de douleurs très-violentes, il expira entre les bras de fon Abbé. Le poifon parut, les Medecins qu'on avoit fait venir, en rendirent témoignage: & le malheureux valet frappé de l'hor reur de fon crime, prit la fuite; fi bien qu'on ne douta plus de fa trahison, ni de la perfidie des Moines de S. Gildas.

(a) On voit encore le nom de Pierre Abeillard Abbé de S. Gildas, au bas des Chartres les plus confidérables, que les Ducs de Bretagne firent expédier de fon temps. Ce qui marque qu'il étoit admis au Confeil du Prince, & qu'il tenoit un rang confidérable dans l'Etat, beaucoup moins à caufe de fa qualité d'Abbé, que de fon mérite, & de fa fufiance. Lobinean, Hift. de Bret. to. z. p. 253 Tome II. B

gnoit cft

Conné.

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Ep. cal.

s

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Abeillard fut fenfiblement touché d'un fi funefte accident. Il pleura longtemps ce pauvre Religieux: & en me me temps qu'il remercioit Dieu de lui. avoir confervé la vie d'une maniere fi extraordinaire, il s'accufoit en fa pré fence d'être la caufe de la mort de fon enfant qu'il regrettoit toûjours. Il au roit voulu pouvoir le reffufciter aux dépens de fa de fa propre vie; mais la mesure de fes travaux & de fes fouffrances n'étoit pas encore remplie, non plus que celle de l'iniquité de fes Moines. Ils la poufferent auffi plus loin.

Il crut cependant après fon retour. (a) à Saint-Gildas, qu'il devoit prendre toutes les mesures néceffaires pour ne pas tomber entre leurs mains, & leur ôter les moïens d'exécuter ce qu'ils machinoient contre lui. Dans cette vûë il fe retira de la Communauté, & fe réduifit dans un petit appartement séparé avec quelques-uns de fes amis, abandonnant, pour ainfi dire, ces malheureux à eux-mêmes, fans fe mêler davantage de leur conduite. Mais rien

(a) Il ne s'en retourna à son Abbaïe qu'après la convalefcence du Prince, qui s'appelloit Conan I 11. futnommé le Gios. 1 furvêcut cinq ou fix ans a Abeillard & ne mourut qu'en 1148. ne laiffant qu'une fille hétiriere de fes Etats, nommée Berthe, qui épousa Alain, dit le Noir.

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n'étoit capable de les faire revenir à leur devoir.

Quand une fois des Religieux fe font livrés au Démon, en lâchant la bride à toutes leurs paffions, & que l'habitude de leurs crimes a mis un voile épais fur leurs yeux, ils ne voïent plus la lu miere de la raifon, beaucoup moins celle de la grace & de la vertu : Super cecidit ignis & non viderunt folem.

Cette retraite de leur Abbé ne les contenta pas, ils en vouloient à fa vie. Ne pas approuver la conduite des mé. chans, mettre quelque barriere à leurs emportemens, c'eft un crime dans leur efprit qui mérite la mort : femblables à ces frenetiques dont parle faint Au guftin, qui fe jettent avec fureur fur le médecin qui veut les guérir, & se mettent en état de lui ôter la vie, pour récompense de la fanté qu'il veut leur

procurer.

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pour

ner.

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Ainfi en agirent les Moines de Saint- t's apo Gildas à l'égard de leur Abbé. Ils rent des épioient le moment qu'il fortoit de fa gen retraite, & le faifoient attendre au l'afla paffage par des affaffins qu'ils païoient largement. Il évita plufieurs fois ces piéges d'une maniere qui tiendroit du miracle, fi le foin que Dieu prend des fiens, n'entroit dans le cours de fa

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