DE L'ÉDUCATION DU PEUPLE. UNE maffe informe d'argille (1) est arrachée des entrailles de la terre; bientôt elle fe transforme en un vase qui brille fur la table des grands, ou se change en un meuble vil qui ne trouve de place que dans la chaumiere du pauvre. Tel fortant des mains de la nature, l'être raisonnable devient par l'éducation, ou l'inftrument du crime, ou l'ornement de la vertu. C'est l'éducation feule qui fait l'homme; il n'eft jamais que ce qu'elle veut qu'il foit. (1) Udum & molle lutum es; nunc nunc properandus, & acri Fingendus fine fine rotá. PERS. Sat. 3. A Les anciens inftituteurs des peuples (1) connurent parfaitement cette grande vérité; nos législateurs modernes l'ont à peine entrevue. Ce n'eft pas qu'ils n'aient furchargé nos villes de colleges, de lycées, d'académies. Mais, outre les défauts fi juftement reprochés à la plupart de ces établissemens, j'obferve que nos gymnafes ne s'ouvrent qu'aux fils des citoyens aifés; c'est-à-dire, qu'ils n'admettent que les enfans à qui l'éducation publique eft le moins néceffaire, puifque la fortune des peres leur affureroit facilement une bonne éducation privée. Pour les enfans du peuple, il faut les chercher au fond d'une école obfcure qu'habitent fouvent avec l'ignorance, la fauffe morale, les principes trompeurs, & ce tas de préjugés qui de-là préparent le malheur de la terre. (1) « Tous les plus célebres législateurs ont » cru, avec raifon, que l'éducation de la jeu»neffe faifoit une partie effentielle du gou» vernement.» Hift, ancienne, tom. 3, pag. 42. ~C'est donc rendre à la chose publique un fervice effentiel, que de lui donner des vues fur l'éducation du peuple. Je vais m'occuper d'un fi beau fujet avec cette fécurité qui fied fi bien, lorfqu'écrivant fans prétention, l'on préfere la qualité de citoyen à la réputation d'auteur; & confidérant l'éducation du peuple fous les divers points de vue qu'elle préfente, je l'examinerai dans fes rapports généraux avec le gouvernement, dans l'adminiftration & la difcipline des écoles, dans les différens genres d'exercices & d'inftructions qui conviennent aux enfans du peuple, dans la fuite & les progrès de cette éducation depuis la fortie des écoles jufqu'au mariage. Je finirai par appliquer à l'éducation des filles du peuple, ceux de mes principes qui en paroîtront fufceptibles. Qu'on ne s'attende pas à trouver ici beaucoup de chofes neuves: quel garant aurois-je de leur bonté? Je m'attacherai |