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PREMIERE PARTIE.

L'éducation du Peuple dans fes rapports généraux avec le gou

vernement.

CHAPITRE PREMIER. Qu'entend-on ici par le Peuple?

LE mot peuple (1) eft du grand nom

bre de ceux qui, par la multiplicité des fens qu'ils présentent, attestent la ftérilité de notre langue. Nous le prenons ici dans l'acception qui en forme le dernier rang des citoyens, la claffe de ces hommes à qui la néceffité impofe

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(1)« Nom collectif difficile à définir, »parce qu'on s'en forme des idées différentes » dans les divers lieux, dans les divers temps, » & felon la nature des gouvernemens. » Encyclop. au mot Peuple.

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la loi de fe dévouer, pour vivre, à des travaux mercenaires, manuels & ferviles. S'il en eft même parmi eux que la fortune favorife affez pour qu'ils puiffent échanger leurs outils contre des livres, & envoyer leurs enfans dans les colleges, ils ceffent d'être peuple pour moi; ce n'eft pas pour eux que j'écris.

CHAPITRE II.

Combien il importe au gouvernement de veiller fur l'éducation du Peuple.

QUAND J'ai nommé le peuple la

derniere claffe des citoyens, le mépris ne m'a point dicté cette expreffion; je n'ai fait que me conformer à l'ufage. Je fuis au contraire pérfuadé que cette portion de nos femblables, trop dédaignée par les hommes frivoles, & trop foulée par les hommes puiffans, fera (toujours la plus précieuse aux yeux du fage, & la plus intéreffante aux

yeux du législateur. Elle offre à l'un & à l'autre, ces laboureurs qui nourriffent l'état, ces foldats qui le défendent, ces ouvriers qui l'enrichiffent.

Pourquoi faut-il que cette même tribu à laquelle les royaumes doivent leur force & leur éclat, foit auffi la pépiniere des perturbateurs de leur repos? de ces affaffins qui fe font un jeu de s'abreuver du fang de leurs freres de ces brigands qui viennent à main armée s'en difputer les dépouilles? de ces vagabonds qui, trop femblables aux plantes parafites dont nos arbres à fruit font chargés, déshonorent la fociété & l'épuisent?

Mais de cela même que le peuple peut également fervir beaucoup, ou beaucoup nuire, il réfulte une double néceffité de veiller fur fon éducation. Elle eft la feule qui intéresse véritablement l'état : car enfin, qu'a-t-il à craindre des citoyens à qui Plutus fourit ? leur bien-être eft la caution de leur obéiffance. En vain l'ambition des grands

prépare les orages; fans les bras du peuple ils ne fauroient foulever les flots. S'ils méditent les révolutions c'est le peuple qui les exécute; c'est lui qui n'ayant rien à perdre, ofe toujours tout rifquer.

CHAPITRE

III.

Examen d'une affertion de M. Roufseau. Il dit au livre Ier. d'Emile : « Le pauvre

L

» n'a pas befoin d'éducation. Celle de » fon état eft forcée; il n'en fauroit » avoir d'autre. »

Pour un homme qui voit communément fi jufte, cette propofition énonce un apperçu bien erroné. L'éducation du pauvre ne fauroit être forcée fans que fon état le foit auffi. Or, quiconque a deux bras & de la fanté, n'a-t-il pas en fon pouvoir les moyens de la plus grande fortune? & doit-on regarder comme forcé un état qu'il peut changer d'un moment à l'autre ? Fabert

'étoit né pauvre ; le millionnaire Crozat avoit porté des fabots. Mille autres nés pareillement, d'eux-mêmes fe font élancés du fein de la pouffiere, & ont franchi la distance qui les féparoit de l'opu lence ou des honneurs. Croit-on qu'une bonne éducation leur eût été inutile? Croit-on qu'elle ne leur eût pas abrégé la carriere que la feule opiniâtreté de leur courage leur a fait traverfer ? Croit-on fur-tout qu'elle ne leur eût pas donné beaucoup d'émules, & qu'elle n'eût pas tiré de la fange une multitude d'excellens fujets auxquels il n'a manqué, pour devenir des hommes utiles ou des hommes célebres, que d'avoir des inftituteurs de leur enfance?

Je veux néanmoins que l'éducation de l'état du pauvre foit forcée, peut-on dire qu'il n'en a pas befoin? Cette éducation quelconque, il faut bien qu'il la reçoive. Comment, fans elle, apprendra-t-il à fe conformer à fon état, à en diminuer les peines par fon travail, à les adoucir par fa réfignation, à fortir

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