페이지 이미지
PDF
ePub

de la Patrie : j'ai fait conftruire à mes dépens le Fort de la Trinité, poste néceffaire pour réprimer les excurfions des Turcs, maîtres de Kaminick. Et croyez-vous, mon fils, que fi tous les Seigneurs qui partagent les Terres de la République aimoient d'un amour défintéreffé cette tendre mere, à laquelle ils doivent tout ce qu'ils font ; croyez-vous, dis-je, que nous ne verrions pas bientôt s'élever fur nos Frontieres des Places fortes qui mettroient nos Provinces à couvert des incurfions & des brigandages des Peuples qui nous avoifinent..... «

Ces inftructions dictées par la tendreffe, & foutenues par les exemples, ne pouvoient manquer de faire la plus heureuse impreffion fur l'ame de Stanislas. Auffi le vit-on bientôt fe paffionner pour le bien & s'attacher à la vertu. L'époque à laquelle il reçut fon éducation, devoit auffi contribuer à en affurer le fuccès. La Nation Polonoife, jufqu'au regne d'Augufte II, avoit confervé la fimplicité de fes mœurs antiques. Elle vivoit dans l'heureufe ignorance de la plupart des befoins & des vices dont s'applau diffoient les autres Peuples de l'Europe. On voyoit parmi elle moins de politeffe qu'aujourd'hui, mais auffi plus de

franchife; moins de bel efprit, mais plus de Religion; moins de luxe & de fafte, mais plus de richeffes réelles; moins de fuperficie en tout, & plus de fond. En forte qu'au dehors, comme dans le domeftique, tout concouroit à infpirer à un jeune homme cette candeur, cette frugalité, cette fimplicité de Religion qui firent le fond du caractere de Staniflas (1).

L'altération des moeurs chez les peres, influa bientôt fur l'éducation des enfans; & je ne fais fi dans un demi-fiecle la Nation Polonoife n'aura 'pas perdu le droit de reprocher à la nôtre le ridi cule de donner à des enfans, qui ne favent pas encore parler, une foule de domef tiques chargés d'étudier leurs caprices naiffans & d'obéir à leurs fignes? Peutêtre craindra-t-on alors d'apprendre à un jeune Polonois qu'il a des mains pour s'en fervir, & qu'à l'âge de dix ans, fi un valet-de-chambre oublie de le venir mettre au lit, on le verra aussi embarraffé que le feroit parmi nous, en pareil cas, un enfant élevé dans les Palais des Grands. Staniflas, pendant fon édu cation, n'eut aucun domeftique parti

(1) M. du Chevalier de Solignac.

Fen

To

culiérement attaché à fa perfonne; & ceux de fon pere n'étoient point à fes ordres. Il falloit qu'il les priât; & fouvent ils lui répondoient qu'ils n'avoient pas de temps à lui donner. Raphaël l'ordonnoit ainfi, afin que fon fils apprît de bonne heure à favoir fe paffer, au befoin, de fervices étrangers.

Ce ne fut point par l'inaction d'une vie molle & oifive, ce fut par une continuité d'exercices réglés & d'occupations férieufes que le Palatin fe propofa d'affermir la complexion délicate de Staniflas. Il ne lui propofoit, pour délaffement de fes travaux d'efprit, que des exercices du corps. Il lui apprenoit à braver éga lement les chaleurs de l'été & les froids de l'hiver. Dès qu'il eut atteint l'âge de quatorze ans, il voulut l'accoutumer à fouffrir la faim & la foif comme les autres incommodités naturelles. Et, pour confacrer ces privations volontaires par le motif le plus refpectable, il lui propofa l'obfervance des lois du jeûne & de l'abstinence. Mais, ce que bien des meres ne pourront entendre fans frémir, c'est que dans toutes les faifons de l'année cet enfant chéri & délicat, l'unique héri tier de deux grandes Maisons, n'avoit pour lit qu'une paillaffe. Auffi l'homme

qu'avoit formé cette éducation mâle, étoit-il le mieux conftitué, & le plus robufte, peut-être, que l'on eût vu en France depuis un fiecle.

L'efprit fe développoit dans le jeune Leckzinski à mefure que le tempérament fe fortifioit. Le goût qu'il prit, prefque dès l'enfance, pour les fciences & les arts, étonna fouvent fes Maîtres; & ces fleurs précoces furpafferent encore l'attente de ceux qui craignoient de les voir fi-tôt éclore (1). A l'âge de dix-fept ans, Staniflas inftruit des arts agréables, autant qu'il lui convenoit de l'être, savoit parfaitement bien écrire & parler la Jangue Latine. Il avoit appris le François, & beaucoup mieux l'Italien. Verfé dans les connoiffances mathématiques, il avoit, par un goût particulier, approfondi la mécanique au point qu'au jugement des Connoiffeurs, il eût pu, fimple particulier, fe faire un nom par cette fcience. Il parloit fa langue avec grace, & l'écrivoit élégamment en profe & en vers. Dans une République, où tout dépend de la multitude, l'art de perfuader eft un des plus utiles à ceux à qui leur naiffance permet d'afpirer aux grandes

: (r) Mf, du Chevalier de Solignac.

[ocr errors]

Dignités de l'Etat; auffi n'en laiffa-t-on pas négliger l'étude à Staniflas. Mais, averti par fon génie plus encore que par fes Maîtres, au lieu d'étudier fes modeles domestiques, il ne fongea qu'à fe former fur ceux de l'ancienne Rome. Et c'eft fans doute à ce difcernement qu'il dut les brillans fuccès qui, comme nous le verrons bientôt, accompagnerent fon début dans la carriere de l'Eloquence.

Depuis long-temps le Comte Leckzinski, ne voyant plus rien dans fon fils qui fe reffentît de l'enfance, le traitoit en tout comme un ami. Pour lui donner un gage de fa confiance à la fin de fon éducation, il lui offrit de le faire voyager dans les principaux Etats de l'Europe. Un jeune homme ne fe refuse pas à cette offre. Mais, où la plupart des voyageurs de fon âge ne fe propofent que la douceur d'une vie libre & agréablement variée, Stanislas vit un nouveau genre d'étude dont l'agrément ne diminueroit pas l'importance. Il fe propofa pour but capital d'obferver l'état actuel des arts & des fciences chez les Peuples qu'il devoit voir, de fe former à la connoiffance des hommes, & d'étu dier fur les originaux, fi l'on peut ainfi parler, ce caractere propre, ce génie

B vj

« 이전계속 »