PERSONNAGES. M. DE BALMONT, Confeiller au Parlement. DORVAL, Fils de M. de Balmont. DURAND, Secrétaire de M. de Balmont. MELCOUR, Ami de Dorval. SAINCLAIR, jeune Maître des Requêtes. M. MOREL, jeune Avocat. Le Marquis de ROZELLES. LA PIERRE, Valet de M. de Balmont. La Scène eft à Paris chez M. de Balmont. Beugnet LE MAGISTRAT, COMÉDIE. Chi s'arma di virtu, vince ogni affetto. ACTE I. SCÈNE PREMIÈR E. Le Théâtre représente un Cabinet d'étude. On voit un Bureau fur lequel font pofées deux lumières. DORVAL, MELCOU R. MELCOUR. CONTENEZ donc, mon cher Dorval, ces transports violens; à la fin vous trahirez votre fecret.... DOR VAL. Ah, Melcour!....fongez-vous que dans quelques heures, un Arrêt irrévocable va décider du fort, de l'existence, de la fortune, de Phonneur enfin de Monfieur de Saint-Yves, du père d'Adelaide!...... ( Il regarde à fa montre.) Il eft fept heures du foir; & demain avant le jour les Juges feront affemblés, &, dans douze heures, la Sentence fera prononcée!..... MELCOUR. Mais la caufe de Monfieur de Saint-Yves eft d'une justice évidente; votre père en eft le Rapporteur; vous connoiffez l'inaltérable équité de Monfieur de Balmont; vous favez le poids que donnent toujours à fes conclufions la haute confidération dont il jouit, fa probité reconnue, & l'étendue de fes lumières; fans intrigue, fans cabale, mais par Je feul afcendant de l'efprit & de la vertu, n'eft-il pas toujours fûr de ramener toutes les opinions à la fienne? Comment ces réflexions në modèrent - elles pas l'excès des vives inquiétudes qui vous accablent? DORVAL. Vous me parlez des vertus de mon Père; ch, qui les admire plus que moi ? Moi, qui vois avec détail l'austérité de fa vie, & les facrifices multipliés qu'il fait fans ceffe à fes devoirs!.... Pénétré de la dignité de fon état, il penfe avec raifon qu'il n'en eft point de plus refpectable, lorsqu'on en remplit les obligations facrées; & l'amour de l'humanité, une noble ambition de gloire, l'ont arraché depuis quinze ans à la diffipation & à tous les plaifirs de la fociété. Je m'enorgueillis juftement d'être le fils d'un tel père; cette vive tendreffe, cette profonde admiration qu'il m'infpire, furent, vous le favez, les premiers fentimens de mon cœur, & le temps & la raifon n'ont fait que les fortifier encore. Mon père eft fûrement le plus jufte & le plus vertueux des hommes; mais enfin, Melcour, il eft homme, il peut fe tromper; malgré les plus pures intentions, ne peut-on pas s'abufer foi-même ?.... D'ailleurs l'ennemi de M. de Saint-Yves, le Marquis de Rozelles, est si adroit, fi actif! Mon père est infenfible aux follicitations; mais l'intrigue a tant de reffources!.... Ah, je découvre mille fujets de crainte, & j'ai les plus noirs preffentimens. MELCOUR. Je ne vous conçois pas; il y a fix femaines que vous ne doutiez pas du gain de ce procès; hier encore vous paroiffiez tranquille. DORVAL. Il est vrai; mais demain il fera jugé !..... Je tremble, & je vois tout en noir. Qu'en diton dans le monde? MELCOUR. Eh, que vous importe? De quel foin allezvous vous embarrasser ! DORVAL. On croit que M. de Rozelles gagnera ? MELCOUR. Depuis que ce Procès eft commencé, |