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Les manufcrits qui auraient pu-nous conferver la mémoire de ce qui fe paffa depuis fur les théâtres d'Italie, furent brûlés ou perdus, parce que l'Imprimerie n'était point encore inventée, & nous ne pourrions donner que des conjectures fur les fpectacles de ces temps d'ignorance. Il eft cependant vraisemblable que les Saltimbanques, les Mimes & les Pantomimes fe conferverent le plus long-temps, parce qu'ils eurent le moins befoin des fecours de la belle littérature; ils exiftaient encore dans le fixiéme fiécle, (1) & refterent toujours depuis dans la plupart des villes d'Italie: s'ils éprouverent quelques changemens, ce furent ceux qui arriverent dans les mœurs & dans le goût des peuples, auxquels ils ne manquerent pas de fe conformer.

Ces fpectacles n'ayant plus rien de contraire à l'établiffement & à l'exercice de la religion Chrétienne, ils furent tolérés & même permis (2) comme

(1) Conftituatur à vobis Prafini Pantomimus; quatenus fumtum, quem pro fpectaculo civitatis impendimus, electis co ntuliffe videamur. Cafliodorus. L. I. var, epią. XX.

(2) S. Thomas

Aquin les appelle Hif

Briones qui moderatè ludo utebantur.

une récréation honnête & néceffaire (1) Parmi les différens genres de Comé dies qui étaient reftées des Romains ces anciens Hiftrions avaient adopté les Attellana (2) qui étaient les farces des Latins de proche en proche, on continua à imiter ces Piéces plutôt que les Comédies régulieres de Térence & de Plaute : & c'eft de-là que nous font reftées les fcênes en impromptu, dont nous parlerons dans la fuite.

Depuis le commencement du quatorziéme fiécle jufqu'à la fin du quin ziéme, la langue Italienne prit une plus belle forme: Dante commença, Petrarque, Bocace & les autres lui donnerent une plus grande perfection; & l'Italie avoit déja produit des chefsd'œuvres, lorfque nous n'avions encore les ouvrages de Milet, de Baif & de Jodele.

que

Au commencement du feiziéme fié

(1) S. Antonin s'exprime ainfi : Hiftriona tus ars, quia defervit humana recreationi que neceffaria eft vita hominis.

(2) Les autres s'appelloient Togata, Tam bernarie, Paliata,

cle, le Cardinal Bibiena, (1) compofa la Calandra, qui eft regardée comme la premiere Comédie: peu de temps après parurent celles de l'Ariofte, qu'il écrivit d'abord en profe, & qu'il donna enfuite en vers (2)..

Ces Hommes illuftres furent fuivis 'd'un grand nombre d'excellens Poétes,& la flâme du génie fe communiquant pref qu'en un inftant de l'Italie à la France & enfuite àl'Espagne,les ténébres de l'ignorance ne couvrirent plus que le nord de L'Europe qui fit des efforts plus lents pour fortir de la barbarie; ce font de ces fecouffes,de ces crifesde la nature, qu'on ne peut regarder qu'avec étonnement.

Cependant les Comédiens de profes

1) Il n'était alors que Secrétaire de Laurent de Médicis.

(2) Le pere de l'Ariofte le grondait un jour très fortement & très-long-temps, & PAriofte l'écoutait avec une grande attention fans lui rien répondre pour fe juftifier: fon frere, lorfque le pere fut éloigné, lui demanda pourquoi il n'avait rien répondu pour fa défense c'eft, lui dit l'Ariofte, que je travaille actuellement à une Comédie, j'en. étais refté à la fcêne d'un vieillard qui gronde fon fils, & je viens de prendre celle-ci pour modele.

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fion ne quitterent point leurs anciennes Piéces & continuerent à jouer à l'impromptu; mais l'émulation & le goût de la belle littérature ayant formé plufieurs fociétés deSçavans, quelques-unes de ces Académies, foit pour s'amufer feulement, foit pour tâcher de ramener le public à un genre de fpectacle plus régulier, effayerent de repréfenter les Comédies écrites des meilleurs Auteurs, à mesure qu'elles parurent.

Flaminio Scala, excellent Comédien & Chef de Troupe, prit le milieu entre les anciennes farces & les nouvelles Piéces réguliéres ; il compofa des canevas de Comédies, & les fit imprimer; mais elles étaient foibles & fouvent fcandaleuses; (1) quelques-uns plus courageux effayerent de jouer des Comédies écrites; plufieurs même en compoferent de nouvelles, & en donnerent les premiéres représentations au public qui qui les accueillit & les encouragea; ils ne renoncerent pas pour cela à la

(1). Ce fut vers ce temps- là ( 1560.) que les femmes commencerent à monter fur la fcêne: auparavant de jeunes garçons traveftis, jouaient les rôles d'amoureufes &T.

fcêne en impromptu; ils la jouerent alternativement avec la bonne Comédie, même avec la Tragédie, & fçurent par cette variété de fublime & d'agréable, de gracieux & de comique, attirer le public, toujours avide de la nouveauté.

Mais vers l'an 1520, l'Empereur Charles-Quint ayant amené plufieurs fuites de Seigneurs Efpagnols dans le Royaume de Naples & de Sicile, dans le Duché de Milan & dans d'autres Provinces, les comi-Tragédies Efpagnoles y furent introduites, & le Théâ tre Italien alla tellement en décadence, que la Comédie impromptu reprit le deffus, & refta feule en poffeffion de la fcêne.

Andreini dit Lelio, effaya de relever la Comédie écrite, il en composa dixhuit à lui feul; mais obligé de fuivre le mauvais goût de fon fiécle, il fe livra trop aux obfcènités dont on ne rougif fait point alors, & les Comédiens ne firent point difficulté d'en répandre dans les bonnes Comédies qu'ils métamorphoferent honteufement, & dont ils tirerent des canevas pour leurs Acteurs mafqués. Au milieu de cette décadence du théâtre Italien & de cette

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