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gré les coups de bâton que leur donne Arlequin, & qu'ils reçoivent comme une grande faveur.

Arlequin demande à manger, & les Infulaires lui promettent un repas fplendide; ils amenent Lelio & Flami nia pour lui être facrifiés, felon la coutume du pays; Arlequin affomme les Sacrificateurs, & dit qu'il protége ces Etrangers; que non-feulement il défend de leur faire du mal, mais qu'il exige, s'ils veulent l'avoir toujours parmi eux, qu'on leur donne un Vaiffeau pour les reconduire dans leur patrie, où il veut les accompagner lui-même; il promet toute forte de bonheur aux Habitans, & ils partent comblés de leurs préfens. Ce Canevas eft de Coypel.

Ce fut à peu près dans ce temps que Thomaffin, que les applaudiffemens continuels du public, rendaient encore plus empreffé à lui plaire, vint un jour après une représentation d'Arlequin, Bouffon de Cour, fur le bord du théâtre, & s'adreffant aux Spectateurs dans un jargon moitié Italien, moitié Français, qui faifait plaifir dans fa bouche, dit: Meffieurs, je veux vous dire una piciole Fable que j'ai lue ce matin; car il me prend quelquefois envie de di

venter fçavant; mais la diro en Italien; & ceux qui l'entenderanno, l'expliqueranno à ceux qui ne l'entendent

pas. Alors il raconta de la maniere la plus comique la Fable de la Fontaine du Meûnier, de fon Fils & de l'Ane; il accompagnait fon récit de tous les geftes qui lui étaient familiers; il defcendait de l'Ane avec le Meûnier; il y montait avec le jeune homme; il trotait devant eux; il prenait tous les différens tons des contrôleurs & des contrôleufes; & après avoir fini ce récit comique, il ajouta en Français: Meffieurs, venons à l'explication; je fuis le bon Homme, je fuis fon Fils & je fuis encore l'Ane : les uns me difent, Arlequin, faut parler Français, les Dames ne vous entendent point, & bien des Hommes ne vous entendent gueres; lorfque je les ai remerciés de leur avis, je me tourne d'un autre côté, & des Seigneurs me difent; Arlequin, vous ne devez pas parler Français, vous perdrez votre feu,.... &c.

Je fuis bien embarraffé: parlerai je Italien parlerai-je Français? je vous le demande, Meffieurs? Alors quelqu'un du Parterre qui avait apparemment recueilli les voix, répondit: parlez comme il vous plaira, vous ferez toujours plaifir.

DÉBUT DE DOMINIQUE.

Le fils du fameux Arlequin de l'ancien théâtre, Dominique Briancofelli, après avoir joué dans différentes Provinces & à l'Opéra-Comique, vint débuter dans la Troupe de Son Alteffe Royale le 12 Octobre 1717, par le rôle de Pierrot dans la Force du Naturel, Canevas Italien en trois actes, par M. Freret, & tiré d'une Comédie Efpagnole d'Auguftin Moretto.

Dominique prévint l'affemblée par le difcours fuivant, qui fût très- applaudi.

MESSIEURS, la protection d'un Prince illuftre à qui j'ai maintenant l'honneur d'appartenir, devrait, par bien des raisons, me raflurer fur mes craintes, & me faire entrer avec confiance fur ce théâtre; mais comme c'eft à fa feule bonté que je dois cet avantage, c'eft à vous, Meffieurs, à qui je viens demander grace.

Prêt à jouir d'un bien, & durable & folide, De mortelles frayeurs je me fens accabler; Ce n'eft pas fans raifon que je paraîs timidez Votre bon goût me fait trembler.

Si j'embraffe un caractere qui ne m'eft point familier & dont le fuccès eft incertain, n'imputez ma métamorphofe qu'à la juftice que je rends avec tout le public, au mérite incomparable du gracieux Arlequin que vous bonorez tous les jours de vos applaudiffemens. Que de raifons pou m'allarmer! Le Spectateur peut me regarder ici comme un Acteur emprunté; d'un autre côté, avec quels hommes fuis-je affocié? Avec les meilleurs fujets qui pouvaient venir d'Italie, avec des Comédiens qui excellent à peindre les paffions, qui compofent fur le champ des fcênes remplies de traits vifs & délicats, qui parlent avec autant d'élégance que de facilité; en un mot, qui fçavent entrer i parfaitement dans les caracteres qu'ils repréfentent, & fi bien fe concerter, qu'ils attachent jufqu'aux perfonnes qui ne les entendent pas.

Quels efforts, Meffieurs, ne faut-il pas que je fafle, pour me rendre digne

d'être confondu avec de pareils Confreres, & d'avoir part aux louanges que vous leur donnez ! J'afpire cependant à ce bonheur, & s'il n'eft pas au-deffus de mon travail & du défir ardent que j'ai de vous plaire, je me flatte d'y parvenir.

Eh quoi! Meffieurs, né sur ce théâtre, où mon pere a contribué fi longtemps à vos plaisirs, me banirez-vous de ma chere patrie, & me priverezvous du feul héritage qu'il m'a laissé? Non, Meffieurs, je ne fçaurais le croire. Docile aux leçons des Gens de goût, je m'y conformerai fans peines trop heureux fi je puis réuffir à mériter votre indulgence!

Arbitres de ma destinée,

Enfin je m'abandonne à vous:
Oui, dût-elle être infortunée,

Sans ofer murmurer, je recevrai vos coups:
A mes faibles talens, fi vous livrez la guerre ;
Je n'entreprendrai point de repouffer vos traits;
Et quand je me verrai condamné du Parterre,
Je n'en appellerai jamais.

Ce compliment fut fuivi d'un applaudiffement général; mais la fuite ne

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