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toujours quelque chofe de nouveau; à la fin, les fcênes fe trouvent fi remplies, qu'on eft furpris de la quantité de traits & de jeux de théâtre qu'on y voit, & pour les jouer parfaitement, on n'a plus befoin que d'être bien inftruit de la tradition théâtrale; ainfi l'impromptu quant au fond, devient une affaire de mémoire, où l'Acteur ne fournit que des liaisons & un langage bien ordonné, dont il doit avoir l'habitude; celui qui -ne fera pas doué d'un efprit bien vif, fera capable cependant de jouer affez bien à l'impromptu, au moyen de la connoiffance de ceux qui l'ont précédé & des chofes qu'il aura lui-même préméditées dans font cabinet. Mais l'homme de génie en état de fournir une conversation brillante, fe regarde au théâtre comme dans une fociété de beaux efprits, & peut nous faire fentir ce plaifir que nous goûtons, lorf que nous entendons des gens de mérite parler entr'eux fur une matiere qui leur eft parfaitement connue. C'eft-là le chef-d'œuvre du théâtre ; & j'avoue que les Acteurs de cette efpece, ne font pas communs.

Maintenant venons aux regles qu'il faut fuivre pour que la fcêne s'enchaîne

avec autant de naturel, que de vivacité, & ne tombe pas dans la cacophonie, ce qui arrive quelquefois aux Acteurs qui n'ont pas affez d'expérience.

Il faut parler autant qu'on le doit, & rien de plus; cette mefure exacte de loquacité ne s'acquiert que par une longue habitude & des réflexions prudentes qui produifent en nous la juftesse du goût. Les nouveaux Comédiens parlent ordinairemeut beaucoup plus qu'ils ne devraient, & cela, par plufieurs faux raifonnemens.

Ils croyent d'abord fe donner la réputation de gens qui parlent avec facilité, en fe montrant capables de parler long temps, fans avoir befoin de repos: d'un autre côté, ils craignent de paraître embarraffés de l'impromptu, fi leurs difcours n'ont pas une certaine étendue; & ceux qui ont le moins de talent veulent toujours dire quelquefois, hors de propos, tout ce qu'ils ont préméditê chez eux, s'imaginant qu'ils feraient une perte confidérable, s'ils laiffaient en arriere quelqu'une des chofes qu'ils ont réfolu de dire. C'eft contre ce défaut qu'un Comédien Italien doit être le plus en garde. Il nuit fi fort à la fcêne, que de bonne qu'elle devait être,

elle devient ordinairement froide & fans effet. C'eft par une longue habitude que l'on apprend non-feulement à ne parler, que lorfqu'on eft dans le cas de le faire, mais encore à fe taire dans l'inftant même où l'on aurait le plus d'envie de parler. On doit cepen dant fuivre une regle exacte, & qui nous faffe diftinguer les inftans faits pour le filence ou pour la parole; je vais l'expliquer le plus clairement qu'il me fera poffible, & je tâcherai de caractérifer les circonftances d'une maniere qui les diftingue exactement, & nous empêche de prendre le change.

Tant que la fcêne eft tranquille & qu'aucun des perfonnages n'eft émû par la paffion, on doit parler affez pour expliquer nettement fa penfee, & fi-tôt qu'elle eft finie, on ne doit plus rien ajouter, laiffant aux autres la liberté de parler à leur tour. On doit en ce cas fe conduire comme dans une converfation polie, & l'on blâmerait au théâtre, comme dans le monde, celui qui s'emparant à tous momens du droit de parler, réduirait les autres au filence.. Mais quand la fcêne eft agitée, il y a d'autres attentions à faire; un des Acteurs eft nécessairement dans une plus:

grande émotion, alors ceft lui que l'on doit regarder comme le maître de la fcêne; c'est à celui qui eft obligé de peindre les mouvemens impétueux d'une violente paffion, à parler tant qu'il lui plaît; les autres ne doivent l'interrompre que rarement, & par des mots coupés, pour ne pas lui donner le temps: de fe refroidir par de trop longs repos. Cependant ce perfonnage dominant ne doit pas s'imaginer que les autres doivent abfolument fe taire, il doit luimême s'arrêter de temps en temps pour donner lieu au Dialogue; mais il ne doit jamais oublier un point trèsimportant, auquel il eft difficile de parvenir. Dans quelque mouvement violent que puiffe fe trouver un Acteur quelque fuite de penfées ou de fentimens qu'il ait commencé à expofer, fi un autre Acteur l'interrompt, fon devoir eft de fe taire fur le champ; il est à supposer que celui qui coupe la parole à un autre, a un trait vif & faillant à placer qui ferait perdu, s'il ne partait dans l'inftant même. On n'acquiert que: difficilement le talent de fçavoir fe taire; c'eft pourtant la plus grande qualité que puiffe avoir celui qui joue à l'impromptu; mais l'amour propre s'op

pofe à cette perfection; chacun s'imagine être fupérieur à fes camarades, & par conféquent, faire plus de plaifir au fpectateur en continuant de parler qu'en laiffant parler les autres : les autres veulent auffi parler à quelque prix que ce foit; & de-là naiffent ces occafions où l'on entend quatre ou cinq Acteurs parler tous à la fois, ce qui détruit tout l'agrément de la fcêne, & la fait dégénérer en parade. En général, voici la regle à fuivre; plus il y a d'Acteurs fur la fcêne tous interreffés au moment, plus on doit être laconique dans fes difcours; ceux qui tiennent une place fupérieure dans l'intérêt pref fant, peuvent parler plus fouvent que les autres ; & de dégrés en dégrés, les moins importans ne doivent que de temps en temps jetter un mot en paffant, pour n'être pas entierement muets furle théâtre.

Un Comédien n'eft jamais en état de bien remplir fon rôle à l'impromptu,. s'il n'eft parfaitement inftruit de toutes la Piéce, & s'il n'a mis dans fa mémoire tout ce que les autres doiventdire, même dans les fcênes où il n'a que faire fans cette connoiffance, il ne fera jamais en état de fervir, comme

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