ARTEMIR E Parodie en un acte en vers, 10 Mars 1720. Artemire, femme de Pantalon, riche Marchand, fe plaint à Cephife, fa confidente, de la contrainte dans laquelle fon mari la tient, Quand je fonge qu'il veut que l'on fuive mes pas, Et qu'il fait redoubler ferrure & cadenats, Et redouble un penchant que donne la ha ture. Pour rendre ma douleur plus forte & plus amere, si sb zoals rub 1. is g Je vois dans mon époux, l'affaflin, de mon pere ; y Le traître saisissant mon cher pere au colet, Cephife lui demande pourquoi elle n'a pas épousé un plus joli garçon? Artemire répond qu'elle n'étoit alors qu'un enfant, & que fes parens ly contrai gnirent, quoiqu'elle eut le cœur pris pour le jeune Philotas. Il était amusant, beau, d'un maintien mo defte, Bien fait de sa personne & joli dans le reste. Er fes vives tendréfles Foujours recommençaient, épris de mes ap pas; Te le dirai-je enfin, il ne fe laffair pas. Tu vois couler mes pleurs à ce seul souve nir. Je pense à Philotas à toute heure, en tous lieux, Et rejoindre son ombre eft le bien où j'as◄ pire; Tel eft l'état affreux de la triste Artemire. Trivelin lui apporte une lettre de fon mari; elle est étonnée de cet excès de, bonté qu'elle n'a jamais éprouvée; elle fe répand en action de grace. Trivelin lui dit, voyez ce qu'il écrit. Elle ouvre la lettre & lit. Des profits que j'ai faits je faurai vaus infCostruire, Je reviens opulent au fein de mon païs, TRIVELIN. : Il est un moyen d'échapper au trépas, Je fuis depuis long-tems épris de vos appas.. Je puis, fi vous voulez vous perdre ou vous. fauver, Je l'affafinerai, ARTEMIRE. Vous ? TRIVELIN. J'en fais mon C'eft une bagatelle, & je fuis un come Vous connoîtrez alors, mon cher petit tendron, Que Trivelin n'eft pas fi vieux que Pantalon. ARTEMIR E. La propofition eft vraiment fort jolie. Et j'accepte ta main, mais c'est pour me frap per TRIVELIN, feul.. Quelle obftination! on voit bien qu'elle eft femme: Quoi donc ? après avoir prévenu son époux Et fait naître en fon cœur mille foupçons jaloux, Serais-je pris pour dupe. Les biens de Pantalon deviendront mon fa falaire ; Le crime eft approuvé quand il est néceffaire. Mais Arlequin paraît; quoiqu'il foit un peu fot, Je prétens qu'il confpire & qu'il foit du com plot. (à Arlequin.) Avez-vous du courage? ARLEQUIN. : Oui, fur-tout a table. Nouveau Céfar gourmant, indomptable, aguerri, Ainfi que lui, veni, vidi, manducavi. TRIVELIN. Je connois vos talens pour manger & pour boire, Vous favez dignement remuer la machoire, J'en conviens; mais je veux de vous, d'autres exploits ; Pour un projet hardi, de vous feul j'ai fait. choix. Í Je vais vous confier un fecret d'importance, Qu'il faut enfevefir dans un profond filence... ARLEQUIN... Ne craignez rien, je fuis fecret comme un canon. TRIVELIN. Artemire me plaît, je l'aime à la folie. ARLEQUIN. Parbleu! je le crois bien, elle eft affez jolie; TRIVELIN Voila quel eft, mon cher, la vertu d'une femme ; L'honneur peint dans fes yeux, semble être : dans fon ame, Mais de ce faux honneur les dehors faftueux,, Ne fervent qu'à couvrir la honte de fes feux. Au feul Amant cheri, prodiguant fa tendresse, Pour tout autre elle n'a qu'une auftere rudeffe, Et l'Amant méprifé prend fouvent pour vertu, |