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il le doit, à l'harmonie totale de la représentation. De ce défaut de connaisfance, naiflent fouvent des fautes inexcufables & les plus condamnables de toutes. Quelquefois un Acteur dira dans une fcêne du premier acte, des chofes qu'on ne doit fçavoir qu'au fecond; on fent affez combien cela eft détestable: d'autres fe mêleront de dire ce qui ne doit être dit que par un autre Acteur, fur tout fi c'eft un trait brillant ou un mot qui produit: quelque effet dans la fituation; il croit rendre par là fon rôle plus brillant, & s'enrichir du larcin qu'il fait à autrui; mais il fe trompe. Rarement ce qui convient à un perfonnage, peut n'être pas déplacé dans la bouche d'un autre qui n'eft pas du même caractere, ni dans la même fituation; alors celui qui dérobe à l'autre ce trait qui ne lui appartient pas, eft doublement condamnable; il ôte à fon cama rade, ce qui dans fa bouche, aurait pu plaire, & prive la fcêne de tout fon agrément par ce renversement de ce que le naturel exige; auffi eft-ce un axiôme irrévocable du théâtre Italien, que chacun doit jouer fon rôle, & ne jouer que cela.

Je vais finir par le détail de l'obliga

tion où fe trouve dans une Troupe de Comédiens Italiens, celui qui joue les premiers rôles. Il eft le chef de la Compagnie, & doit fçavoir parfaitement toutes les Piéces, toutes les fcênes, tous les rôles. Lorfqu'on doit jouer une Piéce nouvelle, ou une de celles que l'on remet au théâtre, ou même lorfque la Troupe eft compofée d'Acteurs qui n'ont pas encore joué enfemble; le premier Acteur les réunit le matin; leur lit le plan de la Piéce, & leur explique fort au long tout ce qui la compose; en un mot, il joue lui feul devant eux la Piéce entiere; rappelle à chacun ce qu'il doit dire, quant au fond; lui indique les traits brillans, qui, confacrés par le temps, font devenus indifpenfables : les jeux de théâtre que porte la fcêne & la maniere dont les lazis doivent fe répondre les uns aux autres. Ce n'eft pas peu de chofe que d'être capable de cet emploi. De lui dépend tout l'enfemble de la représentation; & fi le premier rôle manque du fçavoir théâtral qui lui eft néceffaire, cela produit dans la représentation un manque de liaifon & d'ensemble, dont toute la Piéce fouffre beaucoup. Les autres doivent y concourir de leur mieux ; mais.

c'eft à lui à fçavoir les conduire; & c'eft ce dont s'acquittait parfaitement Louis Riccoboni, dont nous avons tiré ces réflexions fur la fcêne impromptu. De ce que nous venons de dire, il faut conclure que ce genre de Comédie n'admet point de médiocrité dans les Acteurs : il eft abfolument nécessaire qu'ils foient tous excellens : le meilleur Comédien eft déplacé, & fon talent devient inutile, s'il joue avec un Acteur qui ne fache pas faifir avec précifion le moment de la réplique; fon difcours languira, la vivacité fera ralentie; l'intérêt s'évanouira infenfiblement, & l'action de la fcêne dégénérera peu à peu en un Dialogue froid & traînant. L'intelligence de la pantomime & de ce qu'on appelle lazis, n'eft pas moins néceffaire, & quelqu'adresse quelqu'efprit, quelque chaleur que ce Comédien mette dans fon jeu, le Spectateur demeurera infenfible, fi l'autre Acteur refte froid & defœuvré : pour fe convaincre de ce que j'avance, il ne faut qu'aller voir Arlequin en fcêne avec la délicieufe Camille, ou bien avec quelqu'amoureufe Itahenne, froide & maniérée.

La figure, la taille, la voix, le fen

timent même ne fuffifent pas au Comédien qui veut jouer à l'impromptu, ila befoin d'une imagination vive & fertile, d'une expreffion facile & rapide, & fur-tout d'une grande connaiffance des différentes fituations, où fon rôle le place. Avec de tels avantages réunis, je ne doute point que la Comédie impromptu ne l'emportât fur la Comédie écrite, par les graces toujours vives & fes tableaux toujours variés; un même canevas produirait dix Piéces différentes, & les Acteurs vivement remplis d'une fcêne qu'ils compofent à l'inftant, la rendraient avec plus de feu, que celle qu'ils n'ont apprife que par un travail long & pénible.

Mais la néceffité de recevoir tant de talens, pour concourir à une harmonie fi parfaite, s'oppofera toujours au progrès de ce genre de Comédie, qui n'est propre qu'aux théâtres de l'Italie.

EXTRAIT

De quelques Canevas Italiens.

ROSAURE,

>>Impératrice de Conftantinople, re» présentée fur le théâtre du petit Bour> bon par la Troupe Italienne, avec des >> plus agréables & magnifiques vers, mu fique, décorations, changemens de >> théâtre & machines entremêlées à cha» que acte, de ballets d'admirable in»vention, &c. &c. &c.

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Tel eft l'argument imprimé de la Rofaure par l'Auteur de la Piéce même: s'il ne nous donne pas une grande idée de fon ftyle, il nous en donne une fuffifante de fa modeftie; il eft bon de remarquer encore qu'il écrivait du temps de Moliere & de Boileau.

Le premier acte n'eft exactement qu'un prologue qui n'a nul rapport à la Piéce. Le théâtre repréfente une forêt; dans la forêt, il y a une montagne, fur la montagne il y a un temple; dans le temple il y a l'image de Louis XIV &

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