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ARLEQUIN.

Sous des loix! & quels Sauvages font res gens-là; des loix?

LELIO.

Ce ne font point des Sauvages, mais un ordre puifé dans la raifon, pour nous retenir dans nos devoirs, & rendre les hommes fages & honnêtes gens.

ARLEQUIN.

'Vous naiffez donc fous ou coquins dans ce pays-ci?

LELIO.

Pourquoi le penses-tu ?

ARLEQUIN..

Il n'eft pas bien difficile de le deviner; fi vous avez befoin de loix pour être fages & honnêtes gens, vous êtes fous & coquins naturellement, cela eft clair.

LELIO

Nous naiffons avec nos défauts, comme tous les hommes; la raifon feule, foutenue d'une bonne éducation peut les réformer.

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ARLEQUIN.

Vous avez donc de la raison? Comment eft-elle faite?

LELIO.

C'est une lumière naturelle qui nous fait connaître le bien & le mal, & qui nous apprend à faire l'un & à fuir l'au

tre.

ARLEQUIN.

Eh! mort-non de ma vie, votre raifon eft faite comme la nôtre. Pourquor avez-vous befoin de loix? car fi la raifon apprend à faire le bien & à fuir le mal, cela fuffit, il n'en faut pas davantage?

Lelio lui apprend, dans un plus grand détail, les avantages qu'on peut tirer de l'éducation; ce que c'eft que la politeffe, & la manière dont on doit tourner un compliment ; ce qu'Arlequin n'approuve point du tout.

Dans une autre fcêne Arlequin voit Violette & en devient amoureux; mais il eft fort embarraffé de le lui faire connaître à la manière d'Europe, ainfi qu'elle l'exige: comme toutes ces chofes fembarrafent beaucoup, il lui propose de faire l'amour à fa manière Sauva

ge, en attendant qu'il ait appris la fienne; & après lui avoir fait fouffler une allumette, felon l'ufage de fon pays, il veut l'emmener avec lui ; Violette fet défend, & Flaminia l'en empêche, & lui apprend que cela n'est point permis. Arlequin répond que c'est une grande folie de défendre ce qui fait plaifir, & ne fait de tort à perfonne: Violette & Flami nia fortent, & il arrive un Marchand porte-balle qui offre fa marchandise à Arlequin.

ARLEQUIN.

Pourquoi me fais-tu voir cela?

Le MARCHAND.

Afin que vous voyez s'il y a quelque chofe qui vous faffe plaifir.

ARLEQUIN.

Et tu me le donneras?

Le MARCHAND-
Avec joie, je ne demande pas mieux.
ARLEQUIN, à part.

Le Capitaine a raifon, il m'a dit qu'il y avait des gens qui faisaient leur métier de prévenir les befoins des autres; il ne ment pas, (au Marchand)

& tu vas donc par le pays porter ces choses pour chercher des gens qui les prennent ?

Le MARCHAND.

Oui, Monfieur, il le faut bien.

ARLEQUIN.

Les bonnes gens! les bonnes gens & la belle chofe que les Loix!

Il examine tout avec curiofité, & chaque bijou le jette dans l'admiration. Le MARCHAND.

Allons, Monfieur, voyez ce qui yous fait plaifir.

ARLEQUIN.

Tout me fait plaifir.

Le MAR CHAND.

Tante mieux, un Marchand ne demande pas mieux que de fe défaire de fa marchandise.

Arlequin prend tout, & le Marchand lui demande cinq cens francs. Arlequin répond qu'il n'a point de francs & qu'il ne fait pas même ce que c'eft. Le Marchand veut reprendre fa marchandise, Arlequin s'impatiente & le roffe; il veut le prendre aux cheveux, mais le Mar

chand fe fauve & lui laiffe fa perruque entre les mains. Comment diable, dit 'Arlequin, les gens de ce pays-ci ne font point tels qu'ils paroiffent; la bonté, la fageffe, l'efprit, la chevelure, tout eft emprunté chez eux. Des Archers viennent & veulent arrêter Arlequin, il les bat; mais il eft obligé de céder au nombre, & ils l'entraînent en prifon, lorfque Lelio arrive & termine cette affaire, en lui faisant reftituer la marchandise au Marchand, & en donnant de quoi boire aux Archers. Il lui apprend enfuite ce que c'eft que le droit de poffeffion, le tien & le mien; comment on fe fert de l'argent pour représenter la valeur des denrées & pour en faciliter le commerce, ce qu'Arlequin a beaucoup de peine à comprendre; mais lorsque Lelio lui a fait concevoir qu'il eft pauvre & qu'il fera obligé de fervir d'autres hommes parcequ'il manque de cet argent, il entre dans une grande colere contre lui, & lui dit de le remener dans fes forêts oublier qu'il y a des pauvres & des riches. Mario, ami de Lelio, furvient; ils fe comblent de careffes & témoignent la joie qu'ils ont de fe retrouver; ils fe font une confidence réciproque de leurs

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