페이지 이미지
PDF
ePub

HISTOIRE

DES CAUSES DE LA GUERRE DE 1756.

COMME je me suis moins proposé d'écrire une histoire en forme que de laisser des Mémoires aux historiens, je suspends pour quelque temps ceux que j'ai commencés, pour passer au plus grand, au plus malheureux et au plus humiliant événement de ce règne : je veux dire à la guerre allumée en 1755 par la piraterie des Anglais, et terminée cette année par la paix dont ils ont dicté les conditions.

Je ne veux pas laisser échapper de ma mémoire les connoissances que j'ai été à portée de me procurer. Je sais que si ces annales paroissent bientôt, elles doivent trop heurter l'opinion commune, pour obtenir d'abord la confiance qu'elles méritent. Certains personnages qui ont paru sur la scène sont trop intéressés à me contredire, pour ne le pas faire avec d'autant plus de vivacité et de fiel, qu'ils rendront intérieurement justice à la vérité des faits. Je suis encore plus sûr que lorsque le temps aura levé le voile qui couvre aujourd'hui tant d'intrigues, lorsque les pièces, les instrumens secrets seront devenus sans conséquence, la postérité verra que je n'aurai fait qu'anticiper son jugement. Combien d'opinions admises comme vraies par une génération, et dont la fausseté se trouve démontrée par la génération suivante!

La reine de Hongrie, humiliée de n'avoir pu faire la paix avec le roi de Prusse qu'en lui abandonnant la Silésie, en conserva le plus vif ressentiment, et ne regarda la paix que comme une trève dont elle comp- toit bien se servir pour chercher les moyens de reprendre les armes avec plus d'avantage.

Elle cessa dès ce moment de regarder ou de traiter la France comme sa rivale. Une politique flexible lui fit rechercher l'alliance de cette couronne. Blondel étoit alors chargé des affaires de France à Vienne. La Reine lui tint d'abord quelques propos vagues sur la différence qu'il y avoit entre la situation actuelle des maisons de France et d'Autriche, et celle qui, deux cents ans auparavant, les avoit armées l'une contre l'autre. Elle ajoutoit que l'équilibre étoit aujourd'hui si parfait entre elles, qu'elles ne devoient plus prétendre à le rompre, et que leur union assureroit la tranquillité de l'Europe; ou que si quelque puissance du second ordre tentoit de la troubler, les deux cours principales seroient en droit et en état de la réduire.

Blondel, flatté d'être le négociateur d'un tel, plan, s'empresse d'en instruire le marquis de Puisieux, ministre des affaires étrangères, qui ne jugea pas à propos d'en parler au Roi, et défendit à Blondel de suivre ce projet. La Reine voyant notre ministre contraire à ses desseins, en suspendit la poursuite, mais ne les abandonna pas; et lorsque le marquis d'Hautefort vint à Vienne en qualité de notre ambassadeur, elle s'expliqua plus ouvertement avec lui qu'elle n'avoit fait avec Blondel, dans l'espérance qu'un homme de condition auroit plus de poids qu'un simple agent

auprès de nos ministres. Outre les raisons politiques qui pouvoient toucher les deux cours, elle ne dissimula pas son ressentiment contre le roi de Prusse. « J'ai sacrifié, dit-elle, mes intérêts les plus chers à « la tranquillité de l'Europe, en cédant la Silésie; « mais si jamais la guerre se rallume entre moi et lui, je rentrerai dans tous mes droits, ou j'y péri<< rai, moi et le dernier de ma maison. »

"

Le comte de Kaunitz, qui vint ambassadeur en France en même temps que le marquis d'Hautefort l'étoit de France à Vienne, avoit ses instructions toutes relatives aux vues de la souveraine. Il s'attacha d'abord à persuader les ministres, et surtout madame de Pompadour, dont le crédit lui paroissoit le plus important à ménager. Elle ne fut pas insensible à l'idée de jouer un rôle plus noble que celui qu'elle avoit joué sur le théâtre des cabinets. Elle se voyoit, en entrant dans la politique, un personnage d'Etat, et s'en crut tous les talens. Elle adopta donc le projet de Kaunitz, et se flatta de convertir nos ministres : mais elle les trouva tous si opposés au nouveau système, qu'elle n'osa prendre sur elle de présenter au Roi un plan qui seroit combattu par tout le conseil, et se contenta de dire au ministre autrichien que notre alliance avec le roi de Prusse étoit trop récemment conclue pour y déroger, et qu'il falloit attendre un temps plus favorable.

Dès ce moment, le comte de Kaunitz cessa d'insister, étala beaucoup de faste extérieur, s'en dédommagea par une grande économie domestique, et se borna à vivre habituellement dans la classe opulente de la finance, où je l'ai fort connu.

Le terme de son ambassade étant arrivé, il retourna à Vienne, et fut remplacé par le comte de Staremberg, muni des mêmes instructions, chargé d'en suivre le plan, et d'épier les circonstances. Elles ne tardèrent pas à se présenter. Une escadre anglaise, sans déclaration de guerre, sans même avoir annoncé le moindre mécontentement contre la France, attaqua et prit, au mois de juin 1755, deux de nos vaisseaux, l'Alcide et le Lis.

Nous avions alors, pour ambassadeur à Londres, le maréchal de Mirepoix, homme plein d'honneur et de courage, un vrai chevalier de guerre et de tournois des temps de François premier, mais d'un esprit borné. Il demanda justice au ministre anglais de l'acte d'hostilité qui venoit d'arriver. Le caractère franc de cet ambassadeur ne servit qu'à favoriser l'artifice et la duplicité de ceux avec qui il traitoit. Le roi Georges ne craignit pas de dégrader la majesté, en partageant les manoeuvres de ses ministres, et autorisant leurs réponses. Ils protestèrent du désir qu'ils avoient d'entretenir la paix, ne comprenant pas, dirent-ils, les motifs de cette aventure; ils alléguèrent que les contestations que nous avions avec eux sur les limites du Canada pouvoient avoir eu des suites en Amérique, qui avoient occasioné le combat dont il s'agissoit ; mais qu'ils attendoient des éclaircissemens, qui sans doute affermiroient la paix. Le maréchal, plein de franchise, ne douta pas de celle des ministres, et encore moins de la droiture d'un roi : il se rendit caution auprès de notre gouvernement, qui se laissa presque aussi facilement abuser.

Il étoit pourtant fort facile de pénétrer les desseins

de l'Angleterre. Nous n'ignorons pas combien cette puissance, notre ennemie naturelle, dont toute la prospérité se fonde sur le commerce, étoit jalouse du nôtre, qui balançoit le sien depuis long-temps. Son plan suivi étoit de détruire notre marine, et de s'attribuer primativement l'empire de la mer. Il n'est pas bien décidé si les premières infractions à la paix en Amérique sont venues de la part des Anglais ou des Français; mais il est très-certain que les Anglais désiroient la guerre, et que, pour la faire avec avantage, ils étoient déterminés à la commencer par des hostilités imprévues et multipliées, qui, diminuant nos forces, augmentassent les leurs, et leur assurassent déjà la supériorité, avant que nous nous missions en état de défense. En effet, pendant qu'on se bornoit en France à demander justice aux Anglais, ceux-ci, laissant leur ministère amuser le nôtre par des réponses obscures, se saisissoient de tous les vaisseaux français qu'ils rencontroient à la mer. Cette piraterie dura six mois, avant que nous usassions de représailles. Le maréchal de Mirepoix, dupe jusqu'à l'imbécillité, répondoit toujours des dispositions pacifiques du roi d'Angleterre ; et notre ministère, aussi aveugle que le maréchal, attendoit humblement justice. On vouloit, disoit-on, que l'Europe, témoin de notre modération, s'indignât contre l'Angleterre, et applaudît à la justice de notre cause. Ces sentimens pouvoient être méritoires devant Dieu; mais si une vengeance heureuse ne les justifie pas bientôt, un Etat se trouve dégradé aux yeux des nations, qui n'applaudissent jamais qu'aux vainqueurs. La paix humiliante qui vient de terminer une guerre honteuse a donné atteinte à notre

« 이전계속 »